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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
guerre
16 août 2016

Boko Haram et les lycéennes enlevées à Chibok

Une propagande cynique ! 

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Boko Haram a diffusé une vidéo de jeunes filles présentées comme des lycéennes enlevées par le groupe jihadiste nigérian en avril 2014 à Chibok, dans le nord-est du Nigeria, et a réclamé la libération de combattants emprisonnés.

Lors d'une conférence de presse organisée à Abuja par le mouvement "Bring Back Our Girls" (BBOG) qui milite pour la libération de ces lycéennes, un père a affirmé avoir reconnu sa fille, Maida Yakubu, enlevée à Chibok, une identification qui devrait être suivie de nombreuses autres.

Abubakar Abdullahi, l'un des porte-parole de BBOG, se dit en effet "certain que ce sont les filles de Chibok". "Nous reconnaissons jusqu'à dix d'entre elles dans la vidéo", a-t-il assuré à l'AFP, préférant toutefois attendre la confirmation du gouvernement nigérian et celle des parents concernés avant de diffuser plus de noms.

Le 14 avril 2014, le kidnapping sans précédent par Boko Haram de 276 adolescentes dans le lycée public pour filles de Chibok avait provoqué une vague d'indignation au Nigeria et dans le monde entier.

Cinquante-sept d'entre elles avaient réussi à s'échapper dans les heures suivant leur enlèvement par le groupe, dont le nom "Boko Haram" signifie "l'éducation occidentale est un péché" en langue haoussa et qui a pour objectif la création d'un Etat islamique indépendant.

Une première vidéo des lycéennes de Chibok avait été diffusée par Boko Haram en mai 2014.

Dans cette nouvelle vidéo de 11 minutes postée sur YouTube et dont on ignore la date de tournage, un homme au visage masqué lance: "Ils devraient savoir que leurs enfants se trouvent encore entre nos mains".

En tenue militaire, une arme automatique barrant sa poitrine, il se tient debout au milieu d'un groupe de plusieurs dizaines de jeunes filles. Toutes portent des voiles et des abayas (longue robe ample et flottante). Certaines sont assises par terre, d'autres debout à l'arrière-plan.

"Une quarantaine de ces filles ont été mariées conformément à la volonté d'Allah", assure le combattant, ajoutant que "d'autres ont été tuées dans des bombardements aériens".

Sur cette vidéo, une jeune fille s'exprimant dans le dialecte local de Chibok, la voix entrecoupée de sanglots, décrit un bombardement aérien de l'armée nigériane. A l'arrière-plan, des adolescentes s'essuient les yeux pendant son récit, l'une d'elles tenant un bébé dans ses bras.

L'homme de la vidéo poursuit en exhortant le gouvernement nigérian à libérer des combattants de Boko Haram. "Ils devraient immédiatement libérer nos frères qui sont en détention", réclame-t-il, avertissant que s'il n'accède pas à cette demande, le gouvernement ne pourra jamais secourir les filles de Chibok.

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Cette vidéo intervient après celle le 4 août du leader de Boko Haram Abubakar Shekau, qui avait refait surface au lendemain de l'annonce de son remplacement par l'organisation Etat islamique (EI) par Abou Mosab Al Barnaoui, désigné comme "Wali" (chef). Shekau y niait catégoriquement avoir été remplacé, révélant d'importantes divisions au sein du groupe.

Depuis son allégeance à l'EI en mars 2015, Boko Haram se fait appeler la Province ouest africaine de l'Organisation de l'Etat Islamique (ISWAP). Mais dimanche, le groupe a utilisé le nom Boko Haram, et non ISWAP comme lors de précédentes vidéos, ce qui laisse penser que la faction de Shekau serait derrière cette vidéo.

Selon des experts, la violence extrême montrée par Boko Haram ces deux dernières années - qui a tué des milliers de personnes dans des mosquées, des marchés et perpétré des kidnappings de femmes et d'enfants -, a rapidement été désapprouvée par des membres de l'EI, laissant entendre que Shekau ne faisait pas l'unanimité. Comme si EI était moins violent que Boko Haram ?

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6 août 2016

Des djihadistes aux îles Kerguélen ?

L'idée fumeuse de Dupont-Aignan

kergu_lenDécidément, les candidats aux présidentielles font preuve d'originalité, quitte à avancer des propositions des plus farfelues. Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan veut envoyer les jihadistes de retour de Syrie sur les îles Kerguelen. Soit un exil au beau milieu d'un océan inhospitalier 300 jours sur les 365 de l'année, presque à équidistance de l'Antarctique et de l'Afrique du Sud. Cet archipel qui accueille de nombreuses activités de recherche scientifique, compte 300 îles, ainsi qu'une centaine d'habitants (des scientifiques et des militaires), selon des données datées de 2012, répartis sur plus de 7 000 km2, soit les trois quarts de la Corse. Il est balayé par les vents. Lors des mois les plus chauds, il y fait entre 5 et 10 °C.

"La mesure qui s'impose, il y en a deux : c'est le contrôle des frontières (...) et l'arrestation préventive des 250 jihadistes de retour de Syrie, que je veux éloigner sur un territoire lointain – j'ai parlé des Kerguelen après avoir parlé du bagne – parce que je considère qu'on ne peut pas prendre le risque d'avoir des bombes volantes sur notre sol", a déclaré le candidat à l'antenne de France Info.

"Je ne comprends pas que le gouvernement puisse dire, d'un côté, il y a 250 jihadistes de retour de Syrie, et de l'autre, les laisser en liberté", a poursuivi Nicolas Dupont-Aignan.

Et comme activité de réinsertion, on les obligera à participer aux recherches du Boeing 737 d'Air Malaysia disparu ? Ne serait-ce pas plus logique de prévoir leur internement à Guantanamo, où les infrastructures adéquates existent déjà ?

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4 août 2016

Bombardement de Bouaké (Côte d'Ivoire)

Villepin, Alliot-Marie, Barnier pas sortis d'affaire

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Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie et Michel Barnier pourraient être renvoyés devant la Cour de Justice de la République (CJR). En effet, la juge d’instruction Sabine Kheris a transmis le dossier à Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation. Il ressort du dossier de l’instruction que ces anciens ministres ont empêché la justice de faire éclater la vérité sur cette tragédie qui a coûté la vie à 8 militaires français et à un ressortissant américain, le 6 novembre 2004.

Étant saisi de l’affaire, le procureur général se retrouve à un carrefour procédural très décisif. Deux options fondamentales s’offrent donc à lui. Ou bien, il classe l’affaire sans suite en mettant de facto fin à la procédure pour insuffisance de preuves. Ou bien, il décide de saisir la commission de requête de la Cour de Justice de la République (CJR). Auquel cas, une instance sera ouverte afin de situer la responsabilité de ces anciens collaborateurs de Chirac.

Notons qu’en novembre 2004, l’armée ivoirienne avait lancé l’opération Dignité pour reconquérir la zone centre-nord-ouest (CNO). Mais suite à un incident survenu à Bouaké, l’armée française avait détruit, au sol, tous les aéronefs militaires ivoiriens. Des milliers d’Ivoiriens étaient alors descendus dans la rue pour réclamer le départ des soldats français de l’opération Licorne de la Côte d’Ivoire. L’homme d’affaires français Jacques Dupuydauby  avait révélé que ce bombardement était un alibi pour renverser Laurent Gbagbo, alors président. Ce dernier est actuellement en procès devant la CPI. (selon Afrique sur 7)

31 juillet 2016

La brigade des mères

Nadia Remadna, présidente : "le religieux a tout remplacé, les enfants sont des bombes à retardement"

30 avril 2016

Un retour sur la deuxième guerre mondiale

  Reportage : Les héroines cachées de l'armée rouge

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21 avril 2016

La confession d'Obama

Le Président américain, Barack Obama, a jugé que la pire erreur de sa présidence avait été le manque de suivi après l’intervention militaire en Libye en 2011.

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Aveu de taille on pourrait dire. Alors que l’un des artisans de la crise en Libye, en l’occurrence l’ex-Président français Nicolas Sarkozy, rejette sa responsabilité, le dirigeant américain, lui, reconnaît son tort. Dans un entretien à Fox News, Barack Obama a jugé que la pire erreur de sa présidence avait été le manque de suivi après l’intervention militaire en Libye, en 2011. L’opération avait conduit à la chute du régime de Mouammar Kadhafi.

« Ma pire erreur aura probablement été de n’avoir pas mis en place un plan pour l’après au lendemain de ce qui fut, je pense, une intervention justifiée en Libye ». C’est ce qu’a confessé le Président américain dans un rare entretien accordé à Fox News. Ce n’est pas la première fois que le Président américain reconnaît que les Etats-Unis et leurs alliés auraient pu faire plus après l’intervention militaire en Libye de 2011 qui a entraîné la destitution de Mouammar Kadhafi.

Washington avait alors parlé de son rôle leader tout en affirmant vouloir « laisser la main » à ses alliés français, britanniques et autres membres de la coalition. Au mois de septembre 2016, le dirigeant américain avait reconnu que Washington avait aussi une part de responsabilité dans la crise qui mine la Libye. « La Libye est plongée dans le chaos », a-t-il admis, il y a environ un mois.

Après l’intervention de l’OTAN, la Libye a sombré dans le chaos. Profitant de ce vide institutionnel, l’organisation Etat islamique y a établi ses sanctuaires, menaçant la sous-région et même l’Europe. Un gouvernement d’union nationale soutenu par l’ONU a été mis en place.

28 mars 2016

Lutte anti-terroriste et bavures

Une bavure de l'armée égyptienne, qui avait pris des touristes pour des djihadistes, avait fait douze morts et victimes innocentes le 14 septembre 2015.

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belge

Elle n'est hélas, ni la seule, ni certainement la dernière. L'affaire qui enflamme les attentats de Bruxelles pour lesquels le gouvernement turc accuse les dirigeants belges d'avoir été prévenus du retour en Belgique de djihadistes notoires en est un autre exemple. Sans compter que "l'homme au chapeau" du métro était encore recherché par des services de police alors que d'autres policiers l'avaient déjà arrêté depuis deux jours. Preuve de la bonne coopération entre services...

Autre belle bavure, c'est celle de Grand-Bassam en Côte d'Ivoire, où Hamed Bakayoko, ministre de l'Intérieur, face à la presse nationale et internationale pour faire le point sur l’enquête menée par ses services après l’attaque terroriste, annonce l'identification du "cerveau" de l'attentat qui serait un certain Kounta Dallah. L'information serait venue du FBI !

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On annonce même ce dirigeant djihadiste arrêté à Port-Bouët, puis face aux informations dévoilées par "L'Eléphant Déchaîné" (qui est en Côte d'Ivoire ce que "le Canard Enchaîné" est en France) la police doit démentir les termes de sa propre conférence de presse. L'homme, dont de fins limiers ont détecté la photo grâce à la vidéosurveillance dans un hôtel, n'était qu'un client, victime d'un accident de travail, qui attendait de partir vers un centre de réadaptation. Trouvera-t-on bientôt des djihadistes en chaise roulante ? L'histoire aurait pu faire rire s'il n'y avait des morts et des blessés dans cette affaire.

En Egypte, les autorités ont renvoyé la faute vers la compagnie de tourisme mexicaine. En Côte d'Ivoire, le glorieux ministre Bakayoko a laissé aux subalternes la lourde tâche d'annoncer son erreur. Deux cas qui prouvent le peu de courage politique dans les plus hautes instances de certains Etats. 

En Belgique, les ministres responsables ont proposé de démissionner. Démission très justement refusée : l'heure n'est pas aux règlements de compte, mais à la lutte contre le terrorisme.

  • Ci-dessous : l'éditorial des "Dernières Nouvelles d'Alssace" du 27/03/2016.

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3 mars 2016

L'Etat Islamique exécute huit de ses combattants

Des djihadistes néerlandais tentent de rentrer chez eux

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Ils étaient accusés de vouloir quitter les rangs du groupe djihadiste et de tentative de sédition. Huit combattants néerlandais de l'Etat islamique (EI) ont été exécutés par l'organisation vendredi à Maadan, dans la province de Raqqa en Syrie.

Des conflits internes

Depuis avril 2014, l'ONG "Raqqa est massacrée en silence" se procure des documents secrètement pour dénoncer les exactions des terroristes de l'EI. Hier soir, sur Twitter, l'association a révélé cette information.  

Cela faisait plusieurs semaines que des tensions existaient entre 75 djihadistes néerlandais et des Irakiens membres des services de renseignements de l'EI. Trois individus originaires des Pays-Bas avaient été arrêtés dernièrement car ils étaient soupçonnés de vouloir retourner dans leur pays et de quitter l'organisation terroriste.

Mais les agents de l'EI les ont attrapés. L'un d'eux a succombé à ses blessures lors d'un interrogatoire musclé.

La sédition réprimée dans le sang

Pour calmer les tensions, la direction de l'EI en Syrie a envoyé un émissaire auprès des djihadistes néerlandais. L'individu n'est jamais revenu. Il a été assassiné par les terroristes pour venger la mort de leur ami.

La haute direction de l’EI en Irak a sévi et ordonné d’arrêter tout le groupe de Néerlandais. Les terroristes ont été incarcérés dans deux prisons à Tabaqa et à Maadan (province de Raqa). Huit d'entre eux ont d'ores et déjà été exécutés.

Selon les services de renseignements des Pays-Bas 200 Néerlandais, dont 50 femmes, ont rejoint les rangs de Daech en Syrie et en Irak. 

11 février 2016

Canal+ le 8/2/2016 : Spécial Investigation - Qui a bombardé Bouaké en 2004 ?

Diffusé en France, Bolloré censure l'émission en Afrique : pourquoi ?

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Canal + : le 8 février 2016 : Spécial Investigation - Bombardement De Bouaké 'Côte d'Ivoire) : Une Affaire d'État (diffusée le lundi 8 Février 2016).

On peut se demander pourquoi Bolloré, très impliqué économiquement en Afrique de l'Ouest, et notamment en Côte d'Ivoire, et aussi propriétaire de Canal+, a fait censurer cette émission sur le réseau africain ? 

Le 6 novembre 2004, lors d'une offensive contre des rebelles ivoiriens stationnés dans la ville de Bouaké, l'aviation du président Laurent Gbagbo a bombardé un lycée désaffecté, occupé par l'armée française. Bilan : 10 morts dont 9 soldats français et 38 blessés. Onze ans plus tard, on ne sait toujours pas ce qui a motivé ce bombardement. Etait-ce une bavure ivoirienne ? Une provocation française ? Ou un acte de guerre délibéré ? Aux ordres de qui étaient ces pilotes biélorusses qui, arrêtés puis relâchés par l'armée française, ont pu rejoindre leur pays pour ne plus être retrouvés ? Onze ans plus tard, la lumière n’a toujours pas été faite sur les circonstances exactes de ce bombardement. Les journalistes enquêtent auprès des familles des victimes et des militaires.

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sukhoiBolloré ayant même fait censurer ou effacer la video de Canal+ (alors que toutes les émissions de "Spécial investigation" sont publiées sur youtube), voici  sur Dailymotion : « BOUAKE, un crime » - Entretiens N°1 et 2 avec Maitre BALAN – CÔTE d'IVOIRE

10 février 2016

Les forces US en Irak

Témoignage d'un militaire américain

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Quand j’étais stationné en Irak dans le 1er bataillon du 7e corps de marines, de 2003 à 2005, je ne savais pas encore quelles allaient être les répercussions de cette guerre, mais je pressentais déjà qu’il y aurait des comptes à rendre. Cet effet boomerang est maintenant ressenti à travers le monde (Irak, Afghanistan, Yémen, Libye, Égypte, Liban, Syrie, France, Tunisie, Californie, etc.) sans qu’on voit le bout du tunnel.

Là bas, j’ai régulièrement assisté et participé à des obscénités. Bien sûr, l’horreur de cette guerre n’a jamais été vraiment reconnue par l’Occident. Évidemment, les organisations pacifiques ont essayé de dénoncer les atrocités de la guerre en Irak, mais les médias de masse, les forces académiques, politiques et économiques occidentales n’ont jamais permis d’enquêtes sérieuses sur les plus grands crimes de guerre du XXIème siècle. 

Alors que nous patrouillions dans la vaste région irakienne d’Al-Anbar, en jetant les restes de nos rations à travers les fenêtres de nos véhicules, je n’avais jamais réfléchi à la manière dont on parlerait de nous dans les futurs livres d’histoire. Je voulais seulement faire le propre dans mon Humvee. Des années plus tard, en écoutant mon prof d’histoire parler du berceau de la civilisation, je repense aux déchets de rations qui jonchent le sol du désert mésopotamien.

En étudiant les récents événements de Syrie et d’Irak, je ne peux m’empêcher de penser aux petits enfants auxquels mes camarades militaires jetaient les restes de rations. Mais des bonbons n’étaient pas les seuls objets que nous lancions sur ces gosses. Des bouteilles d’eau remplies d’urine, des cailloux, des débris divers étaient aussi jetés. Je me demande souvent combien de membres d’EI ou des autres organisations extrémistes se souviennent de tels événements.

Surtout, je me rappelle les centaines de prisonniers que nous avons capturés et torturés dans les prisons de fortune gardées par des adolescents du Tennessee, de New York ou de l’Oregon. Je n’ai pas eu la malchance de travailler dans de telles prisons, mais je me souviens bien des histoires. Je me rappelle parfaitement les marines me racontant comment ils frappaient, violentaient et défonçaient la tête aux Irakiens. Je me rappelle des histoires de tortures sexuelles où l’on forçait les prisonniers irakiens à s’accoupler pendant que les marines les menaçaient avec un couteau dirigé sur leurs testicules ou en les sodomisant avec un bâton.

Par contre, avant que ces abominations ne se déroulent, nous, dans l’infanterie, avions le plaisir de traquer les Irakiens pendant des raids nocturnes, de les ligoter et de leur mettre un sac sur la tête avant de les jeter a l’arrière de l’Humvee pendant que leurs enfants hurlaient et que leurs femmes s’évanouissaient. Quelquefois nous les arrêtions de jour. La plupart n’offraient aucune résistance. Quelques-uns se tenaient par la main pendant que les marines les frappaient au visage à coup de bottes. Une fois livrés à la prison, ils pouvaient être gardés pendant des jours, des semaines ou des mois. Leurs familles étaient laissées sans nouvelles. Une fois libérés, on les lâchait en plein désert à plusieurs kilomètres de leurs maisons.

Après leur avoir ôté menottes et sacs sur la tête, quelques-uns des plus dérangés parmi nous tiraient des coups de feu en l’air ou au sol pour les effrayer. Seulement pour rigoler. La plupart des Irakiens se mettaient à courir, pleurant encore de leur long supplice dans la prison, espérant retrouver un certain degré de liberté. Qui sait combien de temps ils ont survécu. Car après tout, tout le monde s’en foutait. Même si, de nos jours, on connait bien un ancien survivant des prisons américaines, Abu Bakr al-Baghdadi, le chef d’EI.

Ironiquement, l’habileté à déshumaniser le peuple irakien a atteint un paroxysme après que balles et explosions ont été terminées, car de nombreux marines avaient comme hobby de prendre des photos des morts, de leurs corps mutilés, par plaisir, ou s’amusaient à frapper leurs corps boursouflés avec des bâtons pour rire un peu. Même si les iPhones n’existaient pas à l’époque, de nombreux marines venaient avec des appareils photos digitaux. Ces appareils contiennent l’histoire non dite de la guerre d’Irak, une histoire que l’Occident voudrait que le monde oublie. Cette histoire et ces appareils contiennent aussi les photos de massacres gratuits et autres crimes de guerre, une réalité que les Irakiens n’auront pas le plaisir d’oublier.

Malheureusement, je peux aussi me rappeler d’innombrables anecdotes de mon temps en Irak. Des innocents n’étaient pas seulement pourchassés, torturés et emprisonnés, ils ont aussi été brûlés par centaines de milliers, certaines études prétendent même par millions.

Seuls les irakiens peuvent comprendre le mal absolu qui s’est déchainé sur leur nation. Ils se rappellent le rôle de l’Occident pendant la guerre entre l’Irak et l’Iran qui a duré huit ans ; ils se rappellent les sanctions de Clinton dans les années 1990, sanctions qui ont entraîné la mort de plus de 500 000 personnes, en majorité des femmes et des enfants. Puis est venu 2003 et l’Occident a achevé le travail. Aujourd’hui l’Irak est totalement dévasté. Les gens sont empoisonnés et mutilés et l’environnement est irradié par les bombes à uranium appauvri.

Après 14 ans de guerre contre le terrorisme, une chose est certaine : L’Occident excelle à fomenter la barbarie et à créer des États déchus.

Vivre avec des fantômes

Les yeux pétillants des jeunes enfants irakiens me hantent en permanence, c’est normal. Les visages de ceux que j’ai tués ou de ceux assez proches de moi que j’ai eu la possibilité d’examiner ne veulent pas quitter mes pensées. Mes cauchemars nocturnes et mes réflexions diurnes me rappellent d’où vient EI et pourquoi ils nous haïssent. Malheureusement, mais de façon compréhensible, cette haine nous poursuivra pendant les années et les décennies à venir. Comment pourrait-il en être autrement ?

J’insiste, le niveau de destruction que l’Occident a infligé au Moyen-Orient est absolument inimaginable pour la vaste majorité des gens vivant dans le monde développé. Et cette réalité est démontrée par le fait que les Occidentaux se demandent constamment et avec une grande naïveté : pourquoi nous détestent-ils ?

Finalement, les guerres, révolutions et contre-révolutions se passent et les générations suivantes vivent avec leurs conséquences. Les civilisations, les sociétés, les cultures, les nations et les individus survivent ou périssent. C’est ainsi que l’Histoire se déroule. Dans le futur, la manière dont l’Occident sera confronté au terrorisme dépendra largement du fait qu’il va garder, ou pas, son propre comportement terroriste. La manière la plus évidente d’empêcher que des groupes du style d’EI ne se forment est de s’opposer au militarisme occidental dans ses formes les plus effrayantes : les coups montés de la CIA, les guerres par procuration, les frappes par drones, les campagnes de contre-révolution, les guerres économiques…

En attendant, ceux qui comme moi ont directement participé à cette campagne militaire génocidaire devront vivre avec les fantômes de cette guerre. (propos recueillis par Michel Cornillon, écrivain)

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