Depuis un certain temps, la Société Lohr, soutenue par la municipalité de Strasbourg, est sur les rangs pour réaliser un tramway, à Bamako, capitale du Mali pays surtout éprouvé par la guerre contre les islamistes et AQMI, qui occupent le nord du pays, appliquant très strictement la charia. Un Mali en plus marqué du sceau de la pauvreté. Alors voilà ce qu'a écrit un journaliste malien :
"300 milliards de FCFA, c’est le coût des deux futures lignes de tramway que l’on présente désormais dans une presse généreuse, comme la future et grandiose réalisation du président Amadou Toumani Touré, le Top des Tops du PDES.
Un ATT qui semble vouloir plus frapper les imaginations, que de se préoccuper d’une vraie politique de développement qu’il définit lui-même, à chaque occasion, comme la résolution des problèmes les plus urgents des gens. Or, s’agissant des problèmes « infrastructurels » des Bamakois, on n’a pas besoin de sortir de Ponts et Chaussées, pour les identifier et même pour les résoudre.
Tout le monde a vu l’effervescence, on aurait dit un budget national bis, que les 180 milliards de la Sotelma ont produit et l’usage que l’on se proposait d’en faire. Imaginez alors, ce que l’on peut réaliser, sans quitter le domaine des routes et autres réalisations voisines avec 300 milliards.
Yirimadio, à moins d’un kilomètre du stade du 26 mars, désormais en pleine ville, n’a ni l’eau ni l’électricité et ses populations n’ont pas compris que l’on soit passé par-dessus eux pour aller construire une cité de 700 logements avec toutes les commodités à Niamana. Missabougou n’a aucun caniveau, Sikoroni, presque voisine de Koulouba, n’a aucun poteau électrique et ne parlons pas de Djicoronipara ni de Talico encore moins de Chédabougouni, les jours de pluies.
La poussière de Bamako, aux heures de pointe, n’est pas seulement le fait de l’harmattan ou des chantiers en cours et sa densité est surement visible de ce poste d’observation privilégié qu’est Koulouba.
Cette épaisse brume assassine est le fait de l’absence de routes bitumées, de drains, d’espaces verts, de jardins, de promenades, d’esplanades, de parkings, de lampes, de trottoirs, d’assainissement etc. Bamako la propre, Bamako la coquette. Pour cela il faut d’abord boucher les nids de poule et chasser les ténèbres.
Ce d’autant plus que l’électricité dédiée à la bonne marche de cette nouvelle machine conviendrait mieux aux ménages, ce d’autant plus qu’il faudra bousculer toute la ville pour lui frayer un chemin sans compter que son prix sera forcement prohibitif pour des personnes qui peinent tous les matins à trouver le prix de « sotrama ».
N’imaginons même pas les traumatismes multiples pour tous ces porteurs de baluchons, vendeurs au grand marché de Bamako. Un tramway donc pourquoi faire sinon que pour se faire plaisir, flatter son égo et entrer dans une Histoire où l’on est déjà.
Pourquoi sinon endetter plus encore le pays, inutilement. Pour que cet emprunt (car il s’agit d’un crédit à contracter et à rembourser) puisse, par son utilisation réaliste profiter au plus grand nombre et plus longtemps, pourquoi ne pas construire pour 50 milliards le pont de Bacodjicoroni, les cinquante kilomètres du boulevard du Cinquantenaire pour 50 autres milliards et en prime mille autres réalisations pour le pays.
Ce que nous attendons de nos autorités c’est qu’elles nous développent, pas qu’elles nous impressionnent.
Ce que les Maliens attendent de leurs dirigeants c’est qu’ils accompagnent un mouvement, une dynamique engagée depuis l’indépendance, non qu’ils courent devant sans se soucier des affamés, des malades et des chômeurs, au mental atteint, qui s’échinent derrière.
Le tram c’est surement le progrès mais le développement lui-même n’est il pas une question de strates, de paliers, d’étapes dont l’inobservation conduit à ses ratés monumentaux qui plombent tout sur leur passage.
Et il ne restera que le sourire amer qui accompagne tous les éléphants blancs africains, du Transgabonais de Bongo en passant par la basilique de Yamoussokro d’Houphouët et la fusée du Zaïrois Mobuto Séssé Séko."
B.Daou - Afribone