Arnaud Montebourg, candidat aux primaires du PS
« L’affaire Dominique Strauss-Kahn » est désormais une affaire judiciaire. Dominique Strauss-Kahn clame son innocence et, comme tous, je souhaite qu’il puisse la démontrer. Mais si les faits devaient être avérés, alors ils seraient très graves, au devant de la loi comme au devant des valeurs que nous portons.
Pour notre part, loin du tumulte new-yorkais où l’on parle de millions de dollars, il nous faut reprendre le chemin de la politique, du monde ordinaire, de l’école qui ne fait pas réussir assez d’enfants, de la mutation écologique de nos modes de vie, des banques qui ne prêtent plus aux artisans, de la mondialisation qui éreinte les travailleurs, des diplômés-chômeurs qui n’ont que les stages et les petits boulots comme horizon, du nouveau modèle social que je propose d’inventer.
La gauche du courage
Au fond, cette situation rappelle à ceux qui l’avaient oublié que, dans la vie, il n’y a pas d’homme providentiel pour venir nous sauver. Il ne faut jamais rêver de vainqueurs faciles, surtout quand ils sont désignés par les sondages. Au bout, il n’y a que des déceptions. L’antidote contre la déception, ce sont les primaires. Avec raison, les Français regardent d’un mauvais œil les appels à suspendre les primaires, ou les exhortations à se ranger comme un seul homme derrière un leader de sondage ou une légitimité de parti. Quelque soit la violence du choc vécu collectivement, elle ne doit pas nous conduire à nous réfugier derrière une candidature traumatisée qui fait office de faux recours. Il en est ainsi dans les états-majors politiques et médiatiques, mais cela n’a rien à voir avec la vraie vie. Dans la vraie vie, il faut discuter et convaincre pour pouvoir emporter l’adhésion des centaines de milliers de gens qui prendront peut-être part aux primaires des 9 et 16 octobre. Rien n’est tout fait d’avance, rien ne tombe du ciel, rien ne se passe du débat et du combat. Le même combat que chacun mène tous les jours, contre un grand frère oppressant dans une cité de banlieue, contre des actionnaires qui abusent de leur pouvoir, contre un ex-conjoint qui n’assume pas ses responsabilités… Si nous refusons les nôtres, si nous restons dans notre bulle stérile des politiques et des médias, nous serons balayés. La vie n’est pas facile. Pourquoi la politique le serait-elle ? Pour ma part, je ne suis pas de la gauche de la facilité, je suis de la gauche du courage, celle qui remonte ses manches, qui bat la campagne, qui produit des idées, et qui avance avec une farouche détermination, comme tout un chacun dans la société ou dans sa propre vie. Cet esprit, celui des primaires, est le seul moyen de reprendre place au cœur de la société et de faire passer la France à gauche. Réussir la primaire pour gagner la présidentielle. Si nous escamotons les primaires d’une manière ou d’une autre, la coupure avec les Français sera définitive et nous serons défaits à l’élection présidentielle.
La querelle des anciens et des modernes
Reprendre place au cœur de la société, mais pour dire quoi ? Qu’il faut être prudent et que l’on ne peut pas tout promettre ? Ou peut-être que la politique de Nicolas Sarkozy est injuste, et s’en tenir là ? Que si nous étions au pouvoir, nous serions de meilleurs gestionnaires de l’effondrement, avec un peu plus de justice sociale ? Non. Ce n’est pas mon ambition, ni ma vision de la gauche et de ses valeurs. Si nous offrons le visage de gestionnaires du moindre mal, les Français se tourneront vers la droite et d’autres 21 avril sont à prévoir. Pourtant, ainsi que l’écrivait Albert Camus, « au cœur de l’hiver, j’ai découvert un invincible été ». Cet invincible été, c’est celui de la réinvention. Puisque « l’homme providentiel » de certains n’est plus là, alors les lignes vont pouvoir bouger, l’horizon se dégager. Il y a aura d’un côté ceux qui choisissent le repli sur l’appareil ou la prudence craintive, ceux qui ont peur des idées neuves et du débat, ceux qui ressortent toujours la vielle boîte à outils socialiste, sans y croire eux-mêmes. L’absence de DSK détermine une nouvelle configuration politique : c’est la querelle des anciens et des modernes. Je serai de l’autre côté, celui des idées neuves, des sujets orphelins que la gauche ne traite plus : face au bilan désastreux de la mondialisation, je propose une stratégie de démondialisation, c’est-à-dire une protection écologique et sociale de nos industries. Et puisque cette protection doit se faire à l’échelle européenne, elle est de nature à redonner de la vigueur à une Europe enfin utile aux citoyens. Face à la crise financière, je propose la mise sous tutelle des banques. Face à la pression destructrice sur le travail, je propose le capitalisme coopératif. D’un côté ceux pour qui le monde n’a pas changé et moi, pour qui la crise financière a emporté notre modèle économique et social issu de l’après-guerre. Aujourd’hui, il nous faut inventer le nouveau modèle social français. Si le projet du parti socialiste est un socle, un rez-de-chaussée, je vous propose un premier étage refait à neuf, avec vue sur la mer !
(blog de Arnaud Montebourg)