Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
20 décembre 2021

Sénégal, Burkina Faso : manifestations

Pourquoi la jeunesse clame : « France, dégage ! »

s_n_galÀ Ouagadougou, à Saint-Louis, à Dakar... se déroulent des manifestations anti-françaises de plus en plus violentes. Derrière, une poussée décoloniale, anti-impérialiste, détournée en partie au profit de rivalités politiques.

Saint-Louis, la grande ville à l’architecture coloniale du nord du Sénégal, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, a retrouvé un peu de sa superbe en ce mois de novembre. Élections municipales obligent – elles auront lieu à la fin janvier 2022 –, des équipes de nettoyeurs s’activent pour balayer les rues et ôter une partie des déchets en plastique qui ont envahi l’agglomération, s’accrochant partout aux arbres, aux filets de pêche, débordant du fleuve Sénégal qui se jette dans l’océan Atlantique.

La vaste plage qui longe le cimetière musulman offre le même spectacle de décharge à ciel ouvert, avec au loin les piroguiers qui font vivre le quartier surpeuplé de Guet Ndar, majoritairement composé de la communauté de pêcheurs lébous. En face, le mythique hôtel de la Poste où séjournait Jean Mermoz, figure de l’aventure de l’Aéropostale. Et, enjambant le fleuve, l’immense pont Faidherbe, inauguré en octobre 1897 par le ministre français des Colonies André Lebon et baptisé en l’honneur de Louis Faidherbe, administrateur colonial de la ville et acteur majeur de la conquête du pays par les troupes françaises.

La rage contre Paris plonge ses racines dans l’humiliation d’une « décolonisation » perçue comme inachevée.

En plein centre-ville, une statue à l’effigie du pacificateur sanglant de l’Algérie témoigne encore d’un « Sénégal reconnaissant », alors qu’une campagne animée par un collectif d’associations françaises et sénégalaises réclame la chute de ce symbole – comme de débaptiser ou faire tomber rues et monuments l’honorant en France.

Soixante ans après l’indépendance et le départ du dernier administrateur colonial, la jeunesse sénégalaise est saisie par une intense poussée « décoloniale » et par une rancœur croissante envers l’influence prêtée aux décideurs parisiens dans les affaires du pays. Un collectif baptisé France dégage multiplie les actions coups de poing. Son principal animateur, l’activiste Guy Marius Sagna, a effectué plusieurs mois de prison, accusé notamment d’organiser des rassemblements non autorisés et de diffuser de « fausses nouvelles »

Populisme

Mais c’est surtout Ousmane Sonko, étoile montante de la politique sénégalaise très populaire auprès de cette même jeunesse, qui s’est imposé comme l’opposant numéro un du président Macky Sall en portant ce combat contre la politique africaine de la France. Lors de la dernière campagne présidentielle de 2019, où il s’est hissé à la troisième place, le populiste n’a cessé de pointer le pillage des ressources pétrolières et gazières par des entreprises françaises, Total en tête. Le principal gisement, situé en face du cimetière de Saint-Louis, à cheval sur les eaux mauritaniennes, devrait produire ses premiers mètres cubes de GNL (gaz naturel liquéfié) à l’horizon 2023 et constituer une rente colossale pour le pays.

Contrairement aux affirmations d’Ousmane Sonko, ce sont en réalité des sociétés anglo-saxonnes – dont Kosmos Energy pour le gisement de Saint-Louis – qui ont raflé l’essentiel du magot pétrolier et gazier. Lors des émeutes qui ont secoué Dakar en mars 2021, consécutives à l’arrestation de ce même Ousmane Sonko, accusé d’un viol sous la menace d’une arme dans un salon de massage, ce sont pourtant des symboles de cette mainmise française supposée (stations Total, supermarchés Auchan, boutiques Orange) qui ont été pris pour cible.

Des rumeurs se propagent à toute allure : l’armée française, déployée dans le cadre de l’opération « Barkhane », ne combattrait pas les « terroristes » mais les protégerait.

« La compagnie nationale de télécom Sonatel a été rachetée par Orange, et cela, les gens ne le supportent pas. Il est tout à fait anormal que des entreprises aussi stratégiques ne restent pas aux mains d’un opérateur public », estime Mary Teuw Niane, qui se présente à la mairie de Saint-Louis contre Amadou Mansour Faye, l’actuel édile et beau-frère du président Macky Sall. En tête des sondages confidentiels réalisés en septembre dernier, Mary Teuw Niane entend bien redonner à sa ville son histoire sénégalaise et il milite pour débaptiser le pont Faidherbe comme pour remiser la statue éponyme dans un musée.

Mais la rage contre la politique française plonge ses racines bien au-delà des frontières de Saint-Louis et du Sénégal, dans la violence, l’humiliation du processus colonial, d’une « décolonisation » perçue comme inachevée. Elle provient aussi de l’environnement immédiat et de ce Sahel gangrené par les groupes armés se revendiquant du djihad et où des cellules « terroristes » sont identifiées et surveillées jusqu’à Kédougou, près de la frontière malienne. De Bamako à Niamey, en passant par Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, la rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre. L’armée française, dont près de 5 000 hommes sont déployés dans le cadre de l’opération « Barkhane », non seulement ne combat pas les « terroristes » mais leur livre des armes, les protège, les renseigne, voire assassine elle-même les populations locales.

Sous la coupe du FMI

Quelques jours seulement après l’attaque d’un détachement de gendarmerie à Inata, dans le Soum, qui a fait 53 morts, le 16 novembre, parmi les militaires burkinabés, les manifestations de colère se sont multipliées. Elles ont été jusqu’à bloquer un convoi français d’une soixantaine de poids lourds, escortés par une centaine de soldats en direction du Niger. Ce convoi a été immobilisé par des habitants exaspérés, exigeant d’inspecter le contenu du véhicule censé contenir des armes destinées aux groupes djihadistes. Ayant finalement réussi à franchir la frontière nigérienne, la colonne a encore dû s’arrêter à une trentaine de kilomètres dans la localité de Téra, où étaient dressées là aussi des barricades. Les force de l’ordre nigériennes et les militaires français, selon plusieurs témoignages recueillis sur place, n’ont pas hésité à user de leurs armes contre la foule, faisant 2 morts et 18 blessés chez les manifestants.

Norbert Ouangré, secrétaire général adjoint de la CGT-B, principale centrale syndicale du Burkina Faso, tient cependant à distinguer cette vague « anti-française », dénoncée avec force par l’Élysée, d’une colère « anti-impérialiste » parfaitement justifiée. « Nous faisons face à un pouvoir néocolonial », estime-t-il : « La France a pris le soin de maintenir sur nous un certain contrôle, sur la vie économique comme sur les questions militaires où nous avons encore des officiers français qui conseillent notre armée. Et quand les responsables du Fonds monétaire international viennent, on sent que ce sont eux les véritables propriétaires du pays. C’est eux qui nous dictent ce que nous devons faire, quel budget consacrer à l’éducation, etc. Et si nous n’obéissons pas, nous n’obtenons pas les lignes de crédit. C’est un sentiment anti-impérialiste car personne ne s’en prend aux Français en tant que tels, avec qui nous avons des liens profonds d’amitié. Et c’est ce même impérialisme qui, en réalité, nous exploite, le peuple français comme le burkinabé. » (selon "L'Humanité")

Publicité
16 décembre 2021

"Non à un accord avec le FMI"

Les Argentins en masse dans la rue

argentineDes dizaines de milliers d’Argentins ont manifesté samedi contre la renégociation de la dette que leur gouvernement tente d’obtenir auprès du Fonds monétaire international (FMI), perspective qui réveille la hantise de la casse sociale associée aux plans d’ajustement du passé.

"Non à un accord avec le FMI", "la dette est envers le peuple, pas le FMI", "payer la dette EST un ajustement". Samedi en fin de journée, banderoles, slogans et chants des organisations de gauche radicale, étudiants, syndicats, ont envahi la Plaza de Mayo, théâtre historique des joies et des colères du pays, au pied de la Casa Rosada, le palais présidenti

Entre fanfares, fumigènes, pétards assourdissants, fumée des "parillas" (grills) installées dans la rue, le FMI était visé, mais aussi le gouvernement de centre-gauche, accusé de se prêter à un accord pour réaménager sa dette de 44 milliards de dollars due d’ici 2024. Et pour corollaire, se prêter à une rigueur budgétaire accrue, dans un pays qui compte déjà 40% de pauvres.

"C’est horrible de voir dans des hôpitaux des enfants au petit ventre gonflé par la faim. Ça existe, aujourd’hui, en Argentine !", lance à l’AFP dans une colère contenue Aña Cristina Jaime, 70 ans, "sans parti mais cœur à gauche". "Tous les 8-9 ans, cela recommence, on nous 'vend' au FMI […] la seule option que je vois est de ne pas payer, mais traquer les capitaux enfuis à l’étranger. Que ceux-là payent !"

Toute la semaine, une délégation argentine (gouvernement et Banque centrale) a tenu à Washington des réunions avec une équipe du FMI. D’ici la fin de l’année, l’exécutif doit présenter au parlement un "programme économique pluriannuel" qui aurait l’aval du Fonds.

Résultat du round d’entretiens : "de plus amples discussions" sont nécessaires avant un accord, a annoncé le FMI dans un communiqué vendredi.

Vendredi soir, une foule encore plus nombreuse s’était déjà rassemblée sur la Plaza de Mayo, composée cette fois de secteurs proches du gouvernement péroniste, pour célébrer en musique le 38e anniversaire du retour de la démocratie en Argentine après la dictature (1976-1983).

Bête noire

Aux côtés du président Alberto Fernandez, les anciens chefs d’Etat brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (probable candidat présidentiel en 2022) et uruguayen José "Pépé" Mujica. Thème du soir : la nostalgie de, selon Lula, "la meilleure époque pour la démocratie" en Amérique du Sud, quand des exécutifs de centre gauche, socialistes ou "bolivarien", gouvernaient de Santiago à Caracas, dans la première décennie du 21e siècle.

Mais là encore, pas de mystère sur la bête noire, invité obligé de tous les discours : le FMI. Ovation assurée quand Alberto Fernandez a lancé que "l’Argentine des ajustements (structurels) appartient à l’histoire" et qu’un remboursement "ne se fera pas au détriment de la santé, de l’éducation publique, des salaires, des retraites". Même si, a-t-il pris soin d’énoncer, "nous allons assumer les obligations prises par d’autres", à savoir le prêt souscrit par son prédécesseur Mauricio Macri (2018).

Ovation plus forte encore, quand la toujours populaire Cristina Fernandez de Kirchner, cheffe de l’Etat de 2007 à 2015 et actuelle vice-présidente, a dénoncé un FMI "qui depuis longtemps conditionne la vie en Argentine". Et a intimé presque à Fernandez "que le FMI nous aide à récupérer des milliards de dollars qui ne manquent pas à l’Argentine, non, mais (que des Argentins ont) emmenés dans des paradis fiscaux ! Que cela soit un point de négociation avec le Fonds."

Le calendrier voit converger ces négociations et l’anniversaire de la "Grande crise" de décembre 2001 : l’explosion sociale d’une Argentine alors coincée entre fuite des capitaux et crise de liquidités, après des années de plans d’austérité sur demande du FMI, s’était traduite par des émeutes, pillages, violences, une quarantaine de morts et un trauma durable.

"Je me souviens bien de 2001, le pillage d’un supermarché au coin de ma rue, c’était des gens sans travail, c’était la faim", racontait samedi dans la manifestation Juan Soto, ouvrier maraîcher de 30 ans. "L’histoire se répète, vous savez. S’il y a accord (avec le FMI), c’est qu’il y a ajustement. Mais qui + s’ajuste + ? Les travailleurs, les pauvres. Ceux qui sortent d’une pandémie où il y a déjà eu tant d’emplois perdus". (selon RTB)

15 décembre 2021

Une bavure française au Mali ?

Le rapport de l'ONU constitue la plus sérieuse mise en cause d'une opération de la force anti-djihadiste Barkhane depuis le début de l'engagement de l'armée française au Sahel en 2013.

MaliD'après la Mission de l'ONU au Mali (Minusma), une frappe aérienne conduite par l'armée française au Mali le 3 janvier a tué 19 civils réunis pour un mariage, ainsi que trois djihadistes. Paris conteste ces conclusions, réfutant toute bavure. Voici ce qu'il faut retenir de ce dossier hautement inflammable pour l'armée française.

Les faits : une frappe sur un regroupement présumé de djihadistes

La Katiba Serma, affiliée au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM en arabe), alliance djihadiste elle-même affiliée à Al-Qaïda, a été la cible d'une frappe française, en tout début d'année, dans la région de Bounti. L'opération s'inscrivait dans le cadre d'"Eclipse", menée principalement dans le centre du Mali, mais également au Burkina Faso et au Niger voisins par Barkhane et ses partenaires locaux.

Les autorités françaises ont toujours assuré qu'il n'y avait pas de mariage, que le renseignement avait "formellement" établi avoir affaire à un des nombreux rassemblements de djihadistes dans la région et que l'intervention d'une patrouille d'avions français lâchant trois bombes avait "neutralisé" une trentaine de ces terroristes. Les éléments disponibles "permettent d'exclure la possibilité d'un dommage collatéral", avait déjà fait savoir en janvier l'état-major français dans un communiqué.

L'enquête : d'après l'ONU, la frappe a fait 22 morts, dont 19 civils

Problème, le document de l'ONU, rédigé à partir des investigations de la Division des droits de l'Homme de la Minusma appuyée par la police scientifique des Nations unies, indique que c'est bien un groupe d'hommes réunis par un mariage près de la localité de Bounti qui a été atteint par une frappe aérienne de Barkhane le 3 janvier. Mais principalement des civils.

Au moins 22 personnes ont été tuées, dont trois membres présumés de la Katiba Serma ; 19 sur le coup, 3 au cours de leur évacuation, dit le document. L'ONU s'appuie, dans son enquête, sur des entretiens directs avec au moins 115 personnes, presque autant d'entretiens téléphoniques et un certain nombre d'entretiens de groupes. La Minusma "est en mesure de confirmer la tenue d'une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma", dit le résumé du rapport.

Les experts de l'ONU n'ont trouvé sur place aucun élément attestant la présence d'armes ou de motos, moyen de déplacement privilégié des djihadistes, livre également le rapport sans expliquer l'apparente contradiction avec le fait que des membres présumés de la Katiba Serma étaient armés.

Le rapport de la Minusma"soulève des préoccupations très importantes sur le respect de la conduite des hostilités", a réagi dans la foulée de la publication du document le porte-parole de l'ONU. Elles portent aussi sur "les principes de précaution et l'obligation des États membres de tout faire pour vérifier que les cibles sont bien des objectifs militaires", a ajouté Stéphane Dujarric lors de son point-presse quotidien.

La France se défend de toute bavure

Le ministère français des Armées a de nouveau réfuté mardi avoir commis toute bavure au Mali. Il a émis "de nombreuses réserves sur l'enquête de l'ONU. Il "maintient avec constance et réaffirme avec force" que "le 3 janvier, les forces armées françaises ont effectué une frappe aérienne ciblant un groupe armé terroriste identifié comme tel" près de Bounti (centre) et "émet de nombreuses réserves quant à la méthodologie retenue" et "ne peut considérer que ce rapport apporte une quelconque preuve contredisant les faits tels que décrits par les forces armées françaises".

La ministre des Armées Florence Parly avait assuré que les affirmations sur une bavure française relevaient d'une "guerre informationnelle". Les autorités maliennes avaient fourni des évènements une version cohérente avec celle de la France. La Minusma recommande toutefois aux autorités maliennes et françaises de diligenter "une enquête indépendante, crédible et transparente". Elle préconise d'examiner les processus préalables aux frappes, voire de les modifier. Elle recommande aussi aux Français et aux Maliens de chercher à établir les responsabilités et d'octroyer le cas échéant une réparation aux victimes et à leurs proches.

Pourquoi ça compte ?

La France engage environ 5 100 hommes au Sahel au sein de la force Barkhane. Elle a déjà en butte par le passé à des soupçons de bavure. La politologue Niagale Bagayoko, présidente de l'African Security Sector Network, organisation panafricaine qui réunit des spécialistes de la réforme des politiques de sécurité, estimait en tout début d'année que ce genre de manoeuvre pouvait alimenter le "doute de plus en plus généralisé quant à la pertinence, l'efficacité et la justification d'une présence militaire française dont les opérations ne procurent pas, aux yeux des populations locales, un surcroît de sécurité". Voire, carrément, un "sentiment anti-Français". (selon "Oeil d'Afrique")

14 décembre 2021

La rivalité Chine-Taïwan explose aux îles Salomon

De violentes émeutes secouent l’archipel des îles Salomon dans le Pacifique où l’Australie vient de déployer une force de maintien de la paix, en pleine rivalité entre Pékin et Taïpeh.

taiwanCommerces pillés, postes de police en feu, bâtiments officiels caillassés… La capitale de l’archipel des îles Salomon (sud du Pacifique), Honiara, est en proie à des émeutes depuis deux jours, et le gouvernement local a imposé un couvre-feu mercredi 25 novembre. Malgré cela, les manifestions et les violences se poursuivent, essentiellement dans le quartier chinois de la ville.

Si l’origine de ce mouvement de contestation est sociale et économique, la rivalité diplomatique entre la République populaire de Chine et la République de Chine (Taïwan) se retrouve au cœur de cette violente colère qui a poussé l’Australie voisine à envoyer une force de maintien de la paix.

Les îles Salomon ont rompu avec Taïwan en 2019

Les Salomon, archipel de centaines de petites îles où vivent 700 000 insulaires, entretenaient des liens diplomatiques avec Taïwan depuis 1983. Ces relations ont été rompues en 2019 au profit du régime communiste chinois de Pékin par l’actuel premier ministre Manasseh Sogavare. La Chine considère Taïwan (23 millions d’habitants) comme une de ses provinces et non comme un État autonome.

De facto, un pays qui reconnaît Pékin ne peut avoir de relations diplomatiques avec Taïwan. Déjà à l’époque, cette décision de rompre avec Taïwan avait provoqué le ressentiment d’une partie de la population, surtout de l’île de Malaita qui entretenait des relations étroites avec Taïpeh.

« On voit bien le grignotage économique de la Chine dans la région »

ta_wan1« Dans la guerre du carnet de chèques à laquelle se livraient Taïwan et la Chine depuis des années, Pékin a gagné », explique Fabrice Argounès (1), géographe et spécialiste de l’Asie-Pacifique à l’université de Rouen-Normandie. « On voit bien le grignotage économique de la Chine dans toute la zone car elle a volé Kiribati et les îles Salomon à Taïwan, la même année, en 2019 (Taïwan garde toutefois dans son giron les îles Marshall, les Palaos, Nauru et Tuvalu). L’économie de ces pays du Pacifique se tourne de plus en plus vers la Chine. » Et d’appuyer son propos en rappelant que près de 70 % des exportations des îles Salomon (minerai, or, bois) vont vers la Chine.

Face à ses violences et pillages dans le quartier chinois, Pékin a immédiatement réagi pour exprimer sa « grande préoccupation » pour ses intérêts aux Salomon. « Nous demandons au gouvernement des îles Salomon de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des ressortissants chinois et entités chinoises », a indiqué un porte-parole de la diplomatie Zhao Lijian.

« Les Chinois sont peu nombreuxmais forts en terme économique, précise Fabrice Argounès. Ils tiennent tous les petits commerces de proximité et dans l’imaginaire des locaux, ils sont associés à la richesse chinoise. »

Une force de paix australienne va se déployer

ta_wan2Lors des élections législatives de 2006, des émeutes avaient éclaté dans le quartier chinois de Honiara, à la suite de rumeurs selon lesquelles des entreprises proches de Pékin avaient truqué le vote. « À l’époque, la Chine avait envoyé des navires et des troupes pour évacuer ses ressortissants », rappelle Fabrice Argounès, alors que la région se trouve dans le pré carré australien qui se fait fort de jouer au gendarme régional.

Aujourd’hui, comme en 2003 et 2013, c’est l’Australie, grand voisin des Salomon situé à 1 500 kilomètres, qui va y déployer une force de maintien de la paix. « Notre objectif est d’assurer la stabilité et la sécurité », a déclaré son premier ministre Scott Morrison, répondant à la demande d’assistance de Manasseh Sogavare.

Face à ses émeutes qui ont également une dimension sociale, le chef de l’opposition dans l’archipel, Matthew Wale, a exhorté Manasseh Sogavare à la démission, assurant que les troubles ne cesseraient pas avec un couvre-feu encadré par la police. « Malheureusement, les frustrations et la colère rentrée du peuple contre le premier ministre se répandent de manière incontrôlable dans les rues », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Le premier ministre Sogavare a lui déploré ces « tristes événements visant à faire tomber un gouvernement démocratiquement élu ». Il a assuré qu’il resterait au pouvoir.

(1) Coauteur avec Sarah Mohamed-Gaillard et Luc Vacher du remarquable Atlas de l’Océanie, Éd. Autrement, novembre 2021, totalement réactualisé, 24 €.

ta_wan3

9 décembre 2021

Une invasion russe en Ukraine ?

Kiev s'inquiète de "signaux très dangereux" à sa frontière

ukraineL'Ukraine s'inquiète de "signaux très dangereux" envoyés par la Russie qui aurait massé à la frontière plus de 90 000 soldats.

Le chef du renseignement militaire ukrainien va même jusqu'à anticiper une offensive sur Marioupol en janvier ou février par voie terrestre, maritime et aérienne.

Le président Volodymyr Zelensky a tenu à rassurer la population ukrainienne : "Nous avons un contrôle total de nos frontières et sommes pleinement préparés à toute escalade", a assuré le chef de l’État ukrainien qui a également évoqué des informations faisant état d'un possible coup d’État contre sa personne.

L'Otan met Moscou en garde

Sept ans après l'invasion de la Crimée par les troupes russes, l'armée ukrainienne semble aujourd'hui mieux équipée grâce notamment au matériel militaire fourni ces dernières années par les États-Unis : des munitions ou encore des dispositifs de missiles anti-char.

Kiev peut compter aussi sur le soutien indéfectible de l’Otan. Le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, a mis Moscou en garde : "Nous suivons de très près la situation à la frontière ukrainienne, nous recueillons des informations, nous les partageons et nous envoyons aussi un message clair à la Russie : elle doit procéder à une désescalade, réduire les tensions, faire preuve de transparence. (...) Si la Russie utilise la force contre l'Ukraine, cela aura des conséquences, des coûts."

La Russie de son côté dément toute velléité d'ingérence en Ukraine et accuse en retour l'Otan et les Occidentaux d'aggraver les tensions en menant des manœuvres militaires près de sa frontière.

En avril dernier, Kiev avait déjà craint une invasion de son territoire. Après plusieurs semaines de tensions, Moscou avait finalement retiré ses troupes de la frontière. (selon "Euronews")

Publicité
8 décembre 2021

Heurts policiers-étudiants à Abidjan

Abidjan a connu des heures chaudes, ce lundi 6 décembre 2021. Policiers et étudiants s'affrontaient à coups de machettes et d'armes improvisées contre gaz lacrymogène.

abidjan1En cette fin d'année, la vie scolaire est rythmée par le fléau des congés anticipés. L'Agence ivoirienne de presse indiquait dans une dépêche que des cours ont effectivement été perturbés dans plusieurs localités ivoiriennes, notamment à Man (ouest), Dimbokro (centre) et Minignan (nord).

L'AIP informait par ailleurs des obsèques de Kouakou Raoul, élève de 15 ans en classe de 4ème au Lycée municipal d’Issia, qui est décédé dans la cour de l’établissement, vendredi 3 décembre 2021, après avoir reçu des coups de couteau en pleine poitrine.

C'est dans ce contexte déjà très tendu que policiers et étudiants se sont affrontés, ce lundi 6 décembre 2021, à quelques encablures de l'Université Félix Houphouët-Boigny. C'est ainsi que le rapporte l'ambassade américaine à Abidjan. « L'ambassade des États-Unis est au courant des manifestations étudiantes en cours à l'intersection du boulevard François Mitterrand et Avenue Grandes Écoles, à proximité de l'entrée principale de l'Académie de Police et de l'Université Félix Houphouët-Boigny. Des rapports font état d'un affrontement entre la police ivoirienne et une centaine d'étudiants armés de machettes et d'autres armes improvisées », a publié la mission diplomatique américaine.

Puis, d'ajouter : « À l'heure actuelle, on ne sait pas si les manifestations s'étendront à d'autres parties de la ville. Il est conseillé aux étrangers d'éviter la zone. Mesures à prendre : Évitez les zones et les routes touchées. Trouvez des itinéraires alternatifs vers votre destination. Gardez un profil bas. Surveiller les médias locaux et les agences gouvernementales. Soyez conscient de votre environnement. »

Mais évidemment, comme d'habitude, le gouvernement et la presse locale ne parlent de rien.

7 décembre 2021

L’Allemagne impose de sévères restrictions aux non-vaccinés

Un nouveau tour de vis avant une obligation vaccinale qui fait désormais consensus: l’Allemagne a décidé jeudi d’imposer de sévères restrictions aux non-vaccinés pour tenter d’endiguer la virulente quatrième vague d’infections.

allemagne« La situation est très, très difficile », a souligné le futur chancelier, Olaf Scholz, à l’issue d’une réunion avec Angela Merkel et les 16 régions du pays. Si les chiffres se stabilisent ces derniers jours, ils restent globalement alarmants, avec des dizaines de milliers de cas supplémentaires chaque jour, une incidence proche de 440 et de nombreux hôpitaux proches de la saturation.

Pour y faire face, les autorités ont décidé de cibler les personnes non-vaccinées, qui représentent à peu près un tiers de la population.

Pas de feux d’artifice

« Nous allons organiser les activités culturelles et de loisirs dans toute l’Allemagne uniquement pour les personnes vaccinées et guéries » du Covid-19, a détaillé Mme Merkel, qui quittera le 8 décembre le pouvoir après 16 années aux commandes de l’Allemagne. Cette règle dite « 2G », vacciné ou guéri, « sera également étendue au commerce de détail, à l’exception des magasins de consommation courante », a précisé la chancelière.

Cette limitation drastique de l’accès à la vie sociale pour les personnes non vaccinées est qualifiée par plusieurs responsables politiques de « confinement » pour ceux qui n’ont pas reçu d’injection. Les personnes non vaccinées sont déjà soumises à des restrictions d’accès à la vie publique mais les règles étaient à géométrie variable et ne couvraient pas l’ensemble des régions.

Pour éviter les rassemblements durant les Fêtes de fin d’années, gouvernement et Länder ont aussi interdit les pétards et feux d’artifice, très prisés des Allemands. Clubs et boîtes de nuit devront fermer à partir d’une incidence de 350, un indice actuellement dépassé dans une majorité de régions. Le port du masque redevient obligatoire dans les établissements scolaires du pays.

Ces mesures doivent permettre une amélioration dans les prochaines semaines, avant le vote et l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale. Cette mesure drastique, déjà choisie par le voisin autrichien, pourrait entrer en vigueur en février, après un avis du Conseil de l’Ethique et un vote du parlement.

L’opinion publique allemande a elle-même largement évolué sur la question. Si deux tiers environ des sondés étaient contre une obligation vaccinale l’été dernier, la proportion s’est totalement inversée, avec 64% d’Allemands désormais favorables, selon un sondage pour RTL et ntv. Dans les rues de Berlin, l’obligation à venir est plutôt bien accueillie.

« En principe, je trouve toujours qu’une obligation est délicate. Mais je pense que nous sommes déjà si profondément dans la pandémie qu’il n’y a pas moyen » de faire autrement, explique ainsi à l’AFPTV Clara. « Dès le début, ça aurait été une bonne idée. Parce qu’apparemment, ça ne marche pas » quand seuls certains font la démarche de se faire vacciner, abonde Alicia Münch.

SOS des hôpitaux

La mesure est également soutenue par les Verts et les Libéraux, pourtant traditionnellement rétifs à toute contrainte, ainsi que les conservateurs d’Angela Merkel, désormais dans l’opposition. Seul le parti d’extrême droite AfD s’y oppose, avec une campagne d’affichage « Le vaccin obligatoire? Non merci ! » reprenant un slogan des opposants au nucléaire.

Le contexte est compliqué par la transition politique en Allemagne, entre une Angela Merkel sur le départ – elle donnera un discours d’adieu jeudi soir lors d’une cérémonie militaire – et un Olaf Scholz qui ne sera élu chancelier que la semaine prochaine par le Bundestag. Les restrictions impulsées par la nouvelle coalition doivent ainsi montrer, espère le futur chancelier, qu' »il n’y a pas de vide du pouvoir, comme certains l’évoquent en ce moment ». La Bundesliga se verra imposer une limitation du nombre de spectateurs dans les stades, évitant, après d’ultimes discussions, le retour au huis clos total.

« Du point de vue de la médecine intensive et d’urgence, la situation de la pandémie n’a jamais été aussi menaçante et grave qu’aujourd’hui », s’alarme l’Association allemande de médecine intensive (DIVI) qui réclame un confinement partiel de l’ensemble de la population. Les autorités allemandes essuient également des critiques sur l’embouteillage constaté pour accéder à la vaccination, avec des difficultés à obtenir un rendez-vous médical. Les pharmacies seront mises à contribution pour élargir la distribution. (selon "Le Quotidien du Luxembourg")

5 décembre 2021

Détention au Qatar de deux reporters norvégiens

La Norvège convoque l'ambassadeur du Qatar à Oslo

qatarLa Norvège a convoqué mercredi l'ambassadeur du Qatar à Oslo après la détention temporaire dans l'émirat de deux reporters de la télévision norvégienne qui y documentaient les préparatifs, controversés, de la Coupe du Monde de football. Selon leur employeur, la chaîne publique NRK, Halvor Ekeland et Lokman Ghorbani ont été arrêtés, sans explication selon la chaîne, peu avant leur départ de Doha dans la nuit de dimanche à lundi, un an jour pour jour avant le coup d'envoi de la compétition.

Ils ont été libérés après une trentaine d'heures, sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux, et ont atterri mercredi matin à Oslo. Le ministère norvégien des Affaires étrangères a indiqué avoir convoqué l'ambassadeur du Qatar à Oslo pour évoquer la situation des deux reporters. "L'arrestation de journalistes de NRK au Qatar est inacceptable", a estimé le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Støre, sur Twitter."Une presse libre est décisive pour une démocratie qui fonctionne", a-t-il écrit, en estimant que cela soulignait l'importance du prix Nobel de la paix attribué cette année à deux champions de la liberté de l'information, la Philippine Maria Ressa et le Russe Dmitri Mouratov. Au Qatar, les autorités ont de leur côté affirmé que les deux journalistes avaient été mis en cause pour une intrusion non autorisée dans une propriété privée. "L'équipe a été autorisée à filmer où elle voulait au Qatar. On leur a remis tous les permis de tournage qu'ils avaient demandés avant leur arrivée et on leur a proposé de rencontrer des hauts fonctionnaires du gouvernement et des tiers", ont-elles indiqué dans un communiqué. "Ces libertés ne prévalent cependant pas sur l'application du droit commun, que l'équipe a sciemment et volontairement violé", ont-elles précisé.

Selon le caméraman Lokman Ghorbani, l'équipement des journalistes a été saisi et ils ont dû montrer "pendant des heures" les enregistrements réalisés. "Tout le monde était intrigué par l'équipement, la mission, pourquoi on était là, à quoi cela devait servir, combien de reportages nous avions faits", a-t-il témoigné lors d'une conférence de presse à Oslo. Le chef de la rédaction sportive de NRK, Egil Sundvor, a jugé "inquiétant" que les autorités qataries aient ainsi pu prendre connaissance des sources interrogées par l'équipe. Le patron de la chaîne, Thor Gjermund Eriksen, a lui dénoncé une "attaque contre la liberté de la presse". Déjà critiques à l'époque de l'attribution du Mondial au Qatar, les pays nordiques sont à la pointe des pressions internationales visant à obtenir une amélioration des conditions de travail des travailleurs migrants dans l'émirat.

Des rapports d'ONG accusent le Qatar d'exploiter les travailleurs étrangers, notamment dans la construction des stades du prochain Mondial. Le pays rejette vigoureusement ces critiques, soulignant avoir réformé son droit du travail et instauré un salaire minimum. La présidente du comité olympique norvégien, Berit Kjøll, a qualifié de "choquantes et totalement inacceptables" les informations sur ces arrestations. "Il faut en finir avec l'attribution de grandes compétitions sportives à des pays qui ne respectent pas la liberté de la presse et la liberté d'expression", a-t-elle dit dans un communiqué.

L'idée d'un boycott du Mondial a un temps eu le vent en poupe dans le pays nordique mais un vote au sein de la Fédération norvégienne de football avait finalement exclu cette éventualité en juin. Troisième du groupe G derrière les Pays-Bas et la Turquie, la sélection norvégienne n'a en définitive pas décroché son ticket de qualification. (selon JeanMarcMorandini.com)

30 novembre 2021

Crise économique en Turquie

La dévaluation rapide de la monnaie rend la vie difficile aux Turcs

turquieUn commerçant du centre-ville d'Istanbul a du mal à suivre les changements sur les étiquettes de prix. Chez le grossiste, il doit payer de plus en plus cher ses légumes, ses fruits et ses œufs à des intervalles de plus en plus rapprochés. Et il le répercute immédiatement sur ses clients. Sa facture d'électricité au magasin, qui n'était que de 150 lires par mois il n'y a pas si longtemps, est passée en peu de temps à près de mille lires en plusieurs étapes.

Mille lires, c'est presque un tiers du salaire minimum turc, avec lequel la moitié des salariés doivent vivre en Turquie. A la maison aussi, les dépenses pour les besoins de base augmentent constamment, raconte le marchand de légumes. Le salaire total d'une connaissance suffit tout juste à payer sa facture de gaz.

Depuis le début de l'année, la lire a perdu plus d'un tiers de sa valeur par rapport à l'euro et au dollar. Rien que mardi, le cours a chuté de neuf pour cent par rapport à la veille. L'inflation est officiellement de 20 pour cent, mais de nombreux citoyens et experts indépendants observent que la valeur de leur argent fond encore bien plus vite.Débiter ses cartes de crédit et vivre à crédit

C'est pourquoi les gens économisent où ils peuvent. Un cordonnier d'Istanbul dit que ses clients font réparer leurs vieilles chaussures au lieu d'en acheter de nouvelles. Dans un garage automobile, le maître et son compagnon attendent en vain les clients. Rares sont ceux qui viennent encore faire entretenir ou réparer leur voiture, dit-il. Les pièces de rechange et l'huile moteur - des produits importés de l'étranger - sont devenus presque inabordables.

Même les visites régulières chez le coiffeur sont désormais limitées par de nombreux Turcs afin de garder l'argent. Les boulangers d'Istanbul réfléchissent à une forte augmentation du prix du pain, les prix du gaz et de l'électricité ne cessent d'augmenter. Les loyers ont augmenté de plus de 20 pour cent en un an, les prix des denrées alimentaires de près de 30 pour cent.

Au début de l'année, le salaire minimum correspondait à plus de 300 euros, aujourd'hui il n'est plus que de 200 euros. Comment les gens arrivent-ils encore à joindre les deux bouts ? Le maraîcher hausse les épaules. Sa réponse : "Débiter les cartes de crédit et vivre à crédit tant que c'est possible".

Pour beaucoup, il n'est donc plus question de faire de gros achats. Autrefois, les gens de la classe moyenne inférieure achetaient un ordinateur portable d'occasion parce qu'ils n'avaient pas les moyens d'en acheter un neuf, se souvient un vendeur d'ordinateurs. Aujourd'hui, même les ordinateurs d'occasion sont inabordables. Cela a aussi des conséquences pour lui : Pour le revenu qu'il obtenait auparavant en travaillant une heure, il doit aujourd'hui travailler cinq heures. "J'en ai assez de cette crise", dit-il.

Ceux qui ont encore de l'argent placent leurs lires en or ou les échangent contre des dollars pour mettre leurs économies à l'abri. C'est pourquoi les prix de l'or sont à leur plus haut niveau historique. Les consommateurs ont en outre quelque 240 milliards de dollars en devises étrangères sous leurs oreillers, un montant jamais atteint auparavant. Le dollar est devenu la véritable monnaie en Turquie, celle à laquelle tout le monde se réfère.

Les baisses de taux d'intérêt attisent la chute de la monnaie

Pour l'opposition et de nombreux experts, la faute revient au président Recep Tayyip Erdogan. Le chef de l'Etat est convaincu que les taux bancaires doivent baisser pour lutter contre l'inflation. La grande majorité des spécialistes disent le contraire. Selon eux, une inflation élevée doit être combattue par des hausses de taux d'intérêt. Sous la pression d'Erdogan, la banque centrale turque a baissé les taux d'intérêt à plusieurs reprises au cours des derniers mois, ce qui a accéléré la chute de la lire. Semih Tümen, un ancien vice-directeur de la banque centrale renvoyé par Erdogan, qualifie le cours du président d'"expérience irrationnelle sans perspective de succès".

Erdogan continue malgré tout à mettre les gaz. La prochaine baisse des taux d'intérêt est attendue dès le mois de décembre. Le président veut stimuler la conjoncture avec des taux d'intérêt aussi bas que possible afin de pouvoir lutter contre le chômage à temps avant les prochaines élections dans un an et demi. Il ignore les avertissements des experts selon lesquels il pousserait les gens à la pauvreté en raison de l'inflation élevée et de la chute de la monnaie. Il veut plutôt voir derrière ces problèmes un complot international contre la Turquie. C'est pourquoi il vient de déclarer une "guerre d'indépendance économique" qu'il veut gagner "avec l'aide de Dieu et le soutien de la nation".

Même si de tels propos peuvent paraître absurdes, de nombreux Turcs croient le président et le soutiennent, malgré toutes les plaintes concernant la faiblesse de la lire et la hausse des prix. "L'étranger n'aime pas que la Turquie devienne forte", explique un menuisier. Ce vendeur d'ordinateurs est convaincu que la crise de la lire prendrait fin immédiatement si la Turquie cessait d'irriter l'étranger avec son engagement à Chypre, en Syrie, en Libye et dans le Caucase et renonçait à la recherche de gaz naturel en Méditerranée. "Ils ne veulent pas que nous gagnions la pleine indépendance" est une idée très répandue.

A cela s'ajoute le fait que de nombreux électeurs ne voient pas d'alternative à Erdogan. Selon un sondage du prestigieux institut MetroPoll, deux électeurs sur trois ne font pas confiance à l'opposition pour résoudre les problèmes économiques du pays.

(selon "der Tagesspiegel")

29 novembre 2021

Péril djihadiste en Afrique de l’ouest

La Côte d’Ivoire mise sur la carte du multilatéralisme

c_te_d_ivoire_1Cible d’attaques armées sporadiques depuis deux ans, le nord de la Côte d’Ivoire, frontalier du Mali et du Burkina Faso, affronte une menace terroriste croissante face à laquelle les autorités prônent une réponse sécuritaire en collaboration avec les pays voisins.

A Tengrela, près de la frontière malienne, les ballets de véhicules militaires rythment désormais le quotidien des habitants. Depuis des menaces d’attaques jihadistes en 2020, directement adressées au bureau du préfet de région, une base militaire a été installée dans la ville. Une présence plutôt bien accueillie par la population.

« On est contents de voir les forces spéciales parmi nous, on sait qu’on est en sécurité », assure à l’AFP Zié Coulibaly, un chauffeur qui roule dans la zone.

« On est rassurés que les militaires soient là, si on peut en envoyer encore plus, on sera contents! », plaide Koné Zoumana président d’une coopérative d’orpaillage. Au sommet de l’Etat ivoirien, on le martèle: la situation dans le nord est sous contrôle.

« Les Ivoiriens peuvent être rassurés, les forces ont été accrues sur cette zone nord et tous les moyens de l’Etat sont mis à disposition pour sécuriser cette frontière nord », affirme le Premier ministre Patrick Achi. Plusieurs attaques contre l’armée ont toutefois secoué ces deux dernières années le nord-est du pays, vers la frontière du Burkina Faso, la plus meurtrière étant celle de Kafolo qui a coûté la vie à 14 soldats en juin 2020.

– Base arrière des jihadistes –

La région est attenante au parc de la Comoé, une forêt de 11.000 km² proche du Burkina Faso, qui sert de base arrière pour des groupes jihadistes, principalement liés à Al-Qaida, selon plusieurs sources sécuritaires. Et si la zone de Tengrela, proche de la frontière malienne, est sous étroite surveillance, elle est pour l’heure relativement épargnée par les attaques.

Le gouvernement ivoirien prend néanmoins la menace au sérieux et prône une collaboration renforcée avec ses voisins pour y faire face. « Aujourd’hui, le Burkina Faso et le Mali constituent l’épicentre de la menace terroriste qui descend vers la Côte d’Ivoire. Le gouvernement a tout intérêt à collaborer avec ces Etats », explique l’expert antiterroriste ivoirien Lassina Diarra.

Vendredi dernier, les chefs d’état-major de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédeao) se sont engagées à multiplier les opérations conjointes dans la région.

La Côte d’Ivoire en mène déjà certaines avec l’armée burkinabè et malienne et bénéficie en outre de l’aide de certains partenaires occidentaux. Les Etats-Unis ont par exemple débloqué 19,5 millions de dollars sur cinq ans pour le projet « Résilience pour la paix », visant à aider les communautés frontalières à lutter contre l’extrémisme, en particulier les jeunes.

Un Centre de formation de militaires, policiers, gendarmes et magistrats dans la lutte contre le « terrorisme » a été inauguré en juin à Jacqueville, près d’Abidjan, avec le soutien de la France.

La Côte d’Ivoire veut à tout prix éviter un scénario à la burkinabè où les groupes jihadistes ont gagné du terrain dans la plupart du territoire en quelques années, menant des attaques sanglantes presque chaque semaine contre civils et militaires.

-Objectif des jihadistes, le sud-

« L’objectif des terroristes est d’étendre leur hégémonie économique, culturelle et religieuse le plus possible vers le Sud », reconnaît Fidèle Sarassoro, directeur de Cabinet du président ivoirien.

Mais si la Côte d’Ivoire ne connaît pas le même niveau de violence que ses voisins, plusieurs experts mettent en garde contre l’implantation des groupes terroristes au sein des populations.

« La première forme de lutte, avant même la lutte militaire, c’est de faire en sorte que les populations sur votre sol ne s’associent pas à ce genre d’actes totalement inacceptables », concédait au début du mois le Premier ministre Patrick Achi.

« Les jihadistes proposent de fortes sommes d’argent à leurs nouvelles recrues. Confrontés au manque d’emploi et à la précarité, beaucoup de jeunes peuvent trouver dans le terrorisme jihadiste un emploi rémunérateur », pointent des travaux du Centre de recherche et d’action pour la paix (Cerap).

Alors existe t-il une réponse ivoirienne au-delà de la réponse sécuritaire? Le gouvernement assure mener des projets de développement dans le nord du pays, mais certains experts s’interrogent.

« L’Etat oppose une approche purement militaire qui ne permet pas de prendre en compte certaines dynamiques. Les groupes terroristes évoluent sur des dynamiques sociales, sur les carences structurelles de l’Etat avec des discours pouvant séduire des personnes en vue de leur recrutement », s’inquiète Lassina Diarra qui déplore également des actes de « racket » des forces de sécurité dans la région.

« Il faut d’autres approches pour éviter que le pays bascule comme ce que l’on a connu au Burkina Faso », conclut-il. (selon AFP).

Publicité
Publicité
Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
Derniers commentaires
Archives
Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
Visiteurs
Depuis la création 2 250 082
Publicité