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Conseil d'État
N° 364498
ECLI:FR:CESJS:2013:364498.20131226
Inédit au recueil Lebon
6ème sous-section jugeant seule
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
M. Xavier De Lesquen, rapporteur public
Lecture du jeudi 26 décembre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. A...B..., demeurant..., et l'EARLB..., dont le siège social est 20, rue du Général de Gaulle à Dambach-la-Ville (67650), représentée par son gérant en exercice ; M. B...et l'EARL B...demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 10 octobre 2012 déclarant d'utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation du projet de déviation de Châtenois, dans le cadre de l'aménagement de la RN 59 entre Saint-Dié et Sélestat, et portant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune de Châtenois et classement de la déviation de Châtenois dans le réseau routier national avec attribution du statut de route express ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'État les dépens, notamment la contribution pour l'aide juridique qu'ils ont acquittée en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 décembre 2013, présentée par M. B...et l'EARL B...;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la décision du 19 avril 2013 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...et l'EARL B...;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B...et l'EARL B...demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 10 octobre 2012 déclarant d'utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation du projet de déviation de Châtenois, dans le cadre de l'aménagement de la RN 59 entre Saint-Dié et Sélestat, et portant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune de Châtenois et classement de la déviation de Châtenois dans le réseau routier national avec attribution du statut de route express ;
Sur la légalité externe de l'arrêté :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article R. 11-16 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'avis du ministre de l'agriculture est requis lorsqu'une opération d'expropriation atteint des parcelles de vignes soumises au régime des appellations contrôlées et antérieurement déclarées d'intérêt public par arrêté du ministre ; qu'il ressort des pièces du dossier, sans que les requérants puissent utilement se prévaloir à cet égard de ce qu'un seul service du ministère aurait été consulté, que le moyen tiré de ce que le ministre de l'agriculture n'aurait pas été consulté sur le projet litigieux manque en fait ;
3. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact analyse de façon suffisante les effets directs et indirects du projet sur les activités viticoles, le fonctionnement des exploitations et le vignoble, pendant la période des travaux et celle de l'exploitation ; qu'elle identifie, notamment, les risques liés au gel et à l'écoulement des eaux et précise les mesures envisagées pour supprimer ou réduire ces risques ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté ;
Sur la légalité interne de l'arrêté :
4. Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à l'environnement et à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
5. Considérant, d'une part, que le risque de destruction des vignes par le gel n'est pas affecté d'une incertitude quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques ; que, par suite, les requérants ne peuvent pas, en invoquant un tel risque, se prévaloir d'une méconnaissance du principe de précaution garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement de la RN 59 à 2 x 2 voies sur le tronçon concerné par l'arrêté attaqué, en créant la déviation de Châtenois et en lui conférant le statut de voie express, permettra d'accentuer le caractère transrégional de cet axe routier en supprimant un point de congestion important et, en outre, d'accroître la sécurité des déplacements routiers sur cet axe, tout en réduisant les nuisances sonores et la pollution de l'air pour les riverains de l'actuelle route nationale ; que, si les requérants soutiennent que l'ouvrage projeté aurait des conséquences dommageables sur les propriétés viticoles, en particulier dans une aire d'appellation contrôlée, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard tant à l'intérêt de l'opération pour les échanges entre l'Alsace et la Lorraine et au caractère limité de l'emprise de ce projet sur l'aire d'appellation contrôlée qu'aux précautions et mesures compensatoires prévues pour en limiter les effets négatifs, notamment celles consistant en la replantation de vignes sur des parcelles voisines, ni les inconvénients inhérents aux atteintes portées à l'environnement ou à l'activité viticole, ni le coût financier de l'opération ne sauraient être regardés comme excessifs et ne sont, dès lors, de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ; que la circonstance que les parcelles concernées par la replantation, à titre de mesure compensatoire, du vignoble seront choisies postérieurement à l'acte attaqué est sans incidence sur l'appréciation portée sur l'utilité publique du projet ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...et l'EARL B...ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté qu'ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a également lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de M. B...et de l'EARL B...;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...et de l'EARL B...est rejetée.
Article 2 : La contribution pour l'aide juridique est laissée à la charge de M. B...et de l'EARLB....
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M.B..., requérant et représentant de l'EARL requérante, et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.