Raphael NISAND, maire PS de Schiltigheim, conseiller général du Bas-Rhin, et Serge OEHLER, maire-adjoint PS de Strasbourg, conseiller général, ont fait connaître leur position concernant la fusion des deux départements alsaciens :
Conseil Uni d'Alsace, le miroir aux alouettes
Le débat actuel qui agite le microcosme politique nous paraît bien dérisoire.
A l’heure où tant de nos concitoyens alsaciens souffrent dans leur vie quotidienne de toutes sortes de problèmes plus graves les uns que les autres, les élus bas-rhinois, haut-rhinois et régionaux n’ont apparemment qu’un souci : La réforme institutionnelle visant à fusionner les deux Conseil Généraux Haut-Rhin / Bas-Rhin et la Région Alsace en un Conseil d’Alsace.
Or, tout ceci nous semble absurde. Nos concitoyens alsaciens sont confrontés à des problèmes de revenu, d’emploi, de retraite, à la dégradation continue des Services publics, à l’inégalité entre les territoires, et la seule réponse que nous trouverions à donner à tout cela serait une réponse institutionnelle !
La raffinerie de Reichstett vient de fermer ses portes et personne, ni le Ministre alsacien Philippe Richert, qui est également Président du Conseil Régional, l’institution qui a pratiquement tout le poids économique, ni le Conseil Général du Bas-Rhin n’ont pu faire quoique ce soit de concret pour sauver les centaines d’emplois ainsi rayés de la carte.
La centrale nucléaire de Fessenheim inquiète beaucoup un grand nombre de nos concitoyens, et là aussi les différents intervenants institutionnels sont bien incapables d’accorder leurs violons et surtout la Droite au pouvoir ne veut rien faire.
Là encore, on peut absolument douter qu’une Assemblée unique présidée par un Ministre de la majorité en place serait d’une quelconque utilité.
Le débat sur le Conseil d’Alsace est donc proprement surréaliste, il n’est pas demandé par nos concitoyens, il est simplement nombriliste. Les élus pensant que tout tourne autour d’eux. Il faut absolument revenir à la base, au concret, aux réalités du terrain.
C’est ce à quoi nous appelons.
Au lieu de cela, on constate une sorte de fuite en avant, le gouvernement de Nicolas Sarkozy et de Philippe Richert voyant bien que l’échéance terminale approche et que 2012 peut voir la Gauche arriver au pouvoir, il s’agit de précipiter une prétendue réforme qui constituerait en fait une formidable régression pour l’Alsace.
Surtout, ce que nous critiquons, c’est ce côté miroir aux alouettes de cette prétendue réforme, c'est-à-dire qu’elle n’est faite que pour donner aux Alsaciens l’illusion que leurs gouvernants s’occupent de leurs problèmes et ont des idées pour faire avancer l’Alsace, alors que c’est bien le contraire qui se produit.
Les grands dossiers de l’heure ne sont plus traités et à la vérité la Région n’est pas gérée ou gérée depuis Paris, ce qui revient au même.
Examinons brièvement les motifs allégués pour prétendre à la fusion.
On nous dit que deux départements, ce serait trop peu pour une entité régionale. Mais alors, que penser du Nord-Pas-de-Calais qui forme également deux départements et une Région ? Et ce n’est pas là le seul exemple. Au surplus, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin ont des identités propres, assez différentes. Il n’est que de voir la résistance du département du Haut-Rhin à la volonté de mainmise de la Région Alsace pour comprendre que nous ne sommes absolument pas dans une démarche volontariste, mais plutôt dans une procédure commerciale de fusion-acquisition où le petit se fait dévorer par le plus gros. Ce n’est bien sûr pas là le gage d’une réforme réussie.
On nous dit, mais qu’avez-vous contre l’expérimentation ? Le problème c’est que l’expérimentation pour l’expérimentation n’a aucun sens. La prétention affichée de réaliser des économies par un moindre nombre d’élus participe du miroir aux alouettes. Une enquête récente parue dans le journal Le Monde daté du 6 mai 2011 à propos des conseillers territoriaux indique :
« Cette baisse relative du montant des indemnités (minime au regard des « économies » que cette réforme était censée engendrer) ne prend pas en compte une des difficultés majeures qu’elle va provoquer. Comment et où faire fonctionner les assemblées régionales pléthoriques qui vont ainsi être formées ? » Cette question ne trouve aucune réponse complémentaire en Alsace.
Aux électeurs, on promet des économies d’échelle non chiffrées, non prouvées et qui en fait ne se réaliseraient pas. Aux élus, on promet une augmentation de leurs indemnités de 20 %, ce qui est censé « intéresser la mise ».
Il en va de même pour le texte adopté par le Conseil Régional dans sa séance du 7 mai 2011. Cette motion a été adoptée à grand renfort de publicité, mais elle va à l’encontre du souhait majoritaire des élus haut-rhinois, et surtout elle prend pour base la Loi de réforme des Collectivités Territoriales de décembre 2010, une loi mal ficelée, mal fagotée et que la Gauche a promis d’abroger en cas d’alternance l’an prochain. Dès lors, comment des élus de gauche pourraient-ils se fonder sur ce texte pour demander une expérimentation ?
La Gauche s’est opposée aux conseillers territoriaux, elle continuera à s’y opposer au plan national et nous, les conseillers généraux socialistes du Bas-Rhin soussignés, nous sommes parfaitement en phase avec cette ligne-là. Nous demandons à ce que chacun soit respecté, et notamment les populations du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Nous ne souhaitons pas que l’Alsace fasse les frais d’un statut de Département d’Outre-mer ou de Territoire d’Outre-mer, ou soit comme la Corse une collectivité territoriale spéciale. Nous sommes attachés à l’Alsace dans la République et pensons que c’est la meilleure garantie des Alsaciens que d’avoir les mêmes institutions que celles qui prévalent dans le reste du pays.
Ce n’est pas parce que nous nous serons érigés en Principauté de Monaco que nous serons respectés, mais bien parce que nous aurons réussi à relever notre économie et à instaurer une nouvelle prospérité comme le font nos voisins allemands.
Que l’on s’attaque enfin aux vrais problèmes de notre région que sont la baisse du pouvoir d’achat, la désindustrialisation et le manque de soutien aux agriculteurs, et que l’on cesse d’agiter de faux problèmes.
La défense de l’Alsace c’est de s’occuper avant tout des Alsaciens dans leur vie quotidienne.