Toutes les medias françaises et ivoiriennes se sont saisies et émues du sort de Charlotte, cette jeune ivoirienne de 14 ans, achetée à sa famille de Dabou et emmenée à Cavaillon, dans le Vaucluse, où elle a été exploitée par une famille comme domestique, une famille dont le père était ivoirien et la mère française ! 4500 € a été le prix donné aux parents de la jeune fille, à qui on a laissé espérer de pouvoir fréquenter les meilleures écoles et d'avoir un avenir doré ! La réalité est toute autre : amenée clandestinement en France, enfermée, devant partager sa chambre avec un Togolais en situation irrégulière, son travail consistait à faire le ménage, s'occuper des deux enfants du couple, travail donnant pour tout salaire des coups de cravache, amenant la fillette à s'enfuir et à se rendre au commissariat. La police française a arrêté le couple et leur ami togolais et ils passeront en jugement le 15 mars prochain.
On apprend en même temps que le cas n'est pas unique, mais que 30 nouveaux cas d'esclavage sont découverts tous les ans en France. Incroyable ! En tous cas, on ne peut plus parler de cas exceptionnels, mais on devrait plutôt évoquer des filières, des réseaux ! Mais ceux-là n'apparaissent nulle part et ne seront certainement jamais ni arrêtés, ni jugés, ni condamnés.
C'est ce qui ressort d'une autre affaire, un peu plus ancienne certes, mais qui est du même goût. Il y a une dizaine d'années, une tante éloignée vivant à Paris vient chercher en Côte d'Ivoire sa nièce Aline, 13 ans, qui vit avec son père et de nombreux frères et sœurs. Sa mère, elle ne l'a jamais connue. Aline se souvient de cette visite : « La tante a dit à mon père qu'elle souhaitait prendre une de ses filles pour qu'elle s'occupe de son bébé à Paris. Mon père a accepté de me confier à elle à condition qu'elle m'inscrive à l'école. Ensuite le mari de ma tante est venu me chercher et j'ai quitté la Côte d'Ivoire le lendemain matin. Je n'ai plus jamais revu mon père. » Elle continue : « Pour mon père, la France, c'était le paradis, il se disait que j'allais réussir, et moi je pensais que c'était bien car en Afrique on écoute toujours ses parents. » Mais pour Aline, le calvaire commence. Les tâches ménagères s'accumulent, et dès cinq heures du matin ! Elle dort dans la chambre des enfants, mais parterre. Un jour elle apprend la mort de son père, la tante et son mari déménagent souvent, de peur d'être découverts, après que le mari ait tenté de la violer. Finalement, au bout de 7 ans, Aline est mise à la porte. Elle se retrouve à la rue, sans papiers, sans passeport, sans argent. Elle trouve refuge chez la fille d'amis de sa tante. Elle a déposé plainte contre sa tante, mais le procès n'a jamais eu lieu car les témoins se sont rétractés au dernier moment. La tante, quant à elle, est devenue la chanteuse « à la crinière de feu », sous le nom de Dadie Clarisse (son blog : http://clarisse-dadie.blogspot.fr/ ), et présidente de l'association « les orphelins du monde ». Un comble !
Comme quoi, les bourreaux ne sont pas toujours dans les milieux que l'on croit. Rappelons-nous l'affaire Godwin Okpara, ex-joueur de football du Standard de Liège, puis du Racing-Club de Strasbourg puis du Paris-Saint-Germain, international nigerian des années 2000, qui, avec son épouse, avaient adopté une fillette de 12 ans, Tina, pour mieux la réduire à l'esclavage et à l'état d'objet sexuel. Longtemps, la plainte de la jeune fille n'a pas été prise en considération car c'était sa parole contre celle d'un footballeur célèbre. Mais finalement, le couple Okpara a quand même été jugé : Godwin s'est pris 10 ans de prison, son épouse Linda 15 ans !
L'affaire Okpara a mis en relief les manquements, à la fois de la justice française et des instances africaines. En effet, le code pénal français ne prévoit ni le délit de servitude, ni le délit d'esclavage. Il a fallu une affaire plus récente, celle de deux enfants burundais, « accueillis » par leur oncle et leur tante, des notables installés dans la région parisienne. L'oncle, ancien ministre burundais, reconverti « fonctionnaire de l'UNESCO », et la tante furent condamnés en première instance le 17 septembre 2007, mais furent relaxés en appel. Mais l'affaire a été portée devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme et ce n'est que le 11 octobre 2012 que ce tribunal estime dans son arrêt que « la France a failli à son devoir de mettre en place un cadre législatif et administratif permettant de lutter efficacement contre la servitude et le travail forcé ». L'aînée des victimes a obtenu 30000 € au titre des préjudices subis, la cadette a été indemnisée par la justice française. Quant aux fournisseurs d'enfants, dans les pays d'origine, ils courent toujours !
NB : 2/3 des enfants esclaves sont d'origine africaine, 1/3 d'origine asiatique.