Renouée du Japon, plante envahissante
Présence, comportement, alternatives, enjeux : intéressons-nous à la renouée du Japon. Si la bataille contre cette plante colonisatrice des bords de la Bruche semble perdue, les espèces endémiques n’ont peut-être pas dit leur dernier mot.
Pionnière, opportuniste et envahissante
La renouée du Japon est une plante exotique d’origine asiatique, importée en France en 1850 pour ses qualités ornementales. Elle a fait son apparition en Alsace en 1940. Peu exigeante en termes de lumière et de qualité du sol, elle est considérée comme une espèce pionnière, opportuniste et envahissante en raison de sa prolifération importante et son impact sur les autres espèces locales.
Elle est aujourd’hui classée au 37e rang dans le top 100 des pires espèces invasives au monde.
Grande capacité de propagation
La renouée du Japon affiche une croissance rapide, avec une forte capacité de régénération. Elle le doit à un important réseau racinaire, dit rhizomateux.
Mais elle apprécie aussi les sols à nu. Les zones d’érosion et de remblais, les bords de routes. Bref, « des milieux dégradés, pointe Frédéric Schaeffer, chargé de mission milieu aquatique au syndicat mixte du bassin Bruche-Mossig (SMOBBM). Sur ces plaies ouvertes sans concurrence végétale, elle peut vite prospérer. »
Cette capacité à coloniser les espaces artificialisés fait de la renouée du Japon « un bon bio-indicateur de sols pollués et déséquilibrés », assure Frédéric Schaeffer. « Elle révèle aussi, ajoute Jean-Sébastien Laumond, chargé de mission paysages et environnement à la communauté de communes de la Vallée de la Bruche, la grande capacité d’adaptation et de résilience des plantes invasives face au changement climatique et événements extrêmes. La renouée a une certaine luxuriance que n’ont pas les plantes voisines. »
Une présence massive
La renouée du Japon est présente un peu partout sur la Bruche. Surtout dans le fond de vallée (en aval de Rothau). Plus on remonte vers la source, plus elle est à la peine. « Car le long des petits ruisseaux, pointe Jean-Sébastien Laumond, le couvert forestier est important et l’état écologique des cours d’eau préservé. » Très peu présente sur le sous-bassin de la Mossig, elle a envahi par exemple, les bords du Giessen, dans la vallée de Villé.
Pourquoi ici et pas là ? « Les raisons ne sont pas évidentes à déterminer, décrypte l’ingénieur du SMOBBM, et sont sans doute multifactorielles, comme toujours : perturbation du milieu (lit de rivière rectifié et dénaturé), pratiques d’entreprises et de particuliers peu scrupuleux dans la dispersion des remblais et terres infestées… On doit tirer des leçons de cette situation. La renouée se développe quand on lui offre les conditions propices, c’est-à-dire un milieu dégradé. »
Lutte à mort pour le pouvoir
« Quand on se promène à l’intérieur d’un massif de renouée, il n’y a rien en dessous, constate l’enseignante-chercheure de Strasbourg. Elle entre en compétition avec les autres plantes et les empêche de se développer. » Ces dernières étouffent par manque de lumière et ne disposent pas de stratégie de défense contre une molécule chimique libérée par la renouée. Molécule toxique qui modifie la structure et la composition du sol.
Faible intérêt écologique
« C’est en cela que cette plante pose problème : elle colonise tout l’espace normalement occupé par la ripisylve, poursuit Frédéric Schaeffer. Or la végétation locale a un grand rôle : leurs racines fixent les berges, elles fournissent des abris à la faune aquatique, aux insectes et oiseaux, elles épurent l’eau. La renouée, elle, n’apporte rien de particulier dans ce cadre-là. Son intérêt écologique est faible. »
« Quand on voit un milieu recouvert de renouée, cela fait mal au cœur, prolonge Cybill Staentzel. C’est synonyme d’une perte nette de biodiversité et de la fonctionnalité de l’écosystème. »
Des qualités tout de même
« Maintenant qu’elle est là, pointe Jean-Sébastien Laumond, il faut lui trouver des qualités » et de potentiels débouchés.
Utilisée en cuisine (les jeunes pousses se consomment comme la rhubarbe), la renouée a également une valeur décorative et fourragère. Sa floraison tardive (fin d’été) en ferait également une plante mellifère appréciée de certains insectes. Enfin, elle est largement grignotée par les troupeaux de moutons et de chèvres. Un atout qui pourrait bien se retourner contre elle… (seelon DNA - édition de Molsheim)