Un exemple pour les "groupes Wagner" de Poutine
Robert Denard, dit Bob Denard, né le 7 avril 1929 à Bordeaux et mort le 13 octobre 2007 à Pontault-Combault en Seine-et-Marne, est un mercenaire français. Il est impliqué dans de nombreux coups d'Etat en Afrique de la période des indépendances vers 1960 jusqu'en 1995.
Robert Denard est fils d'un militaire (Léonce Denard) des troupes coloniales. À 16 ans, en octobre 1945, il s'engage dans la marine. Breveté matelot mécanicien, il part ensuite comme volontaire pour l'Indochine en tant que matelot seconde classe. Les modalités de son passage de la spécialité de mécanicien à celle de fusilier marin restent inconnues. Devenu quartier-maître dans les fusiliers marins en Indochine, il quitte l'armée en 1952 après une altercation dans un bar et accepte une place de conducteur d'engins et de mécanicien au Maroc. Il entre ensuite dans la police de ce pays qui se trouve toujours sous protectorat français. Accusé d'avoir participé à un complot pour assassiner le Président du Conseil Pierre Mendès-France, Bob Denard passe 18 mois en prison.
À partir des années 1960, il intervient dans les tumultueux conflits post-coloniaux. Il participe à des opérations militaires impliquant des mercenaires au Yemen, en Iran, au Nigeria, au Bénin, au Gabon (où il est instructeur de la garde présidentielle), en Angola en 1975, au Cabinda en 1976, au Zaïre et aux Comores.
De 1960 à 1963, il sera l'un des chefs des « affreux » de l'Etat du Katanga soutenant Moïse Tschombé qui vient de déclarer l'indépendance du Katanga, une ancienne province du Congo belge, le 11 juillet 1960. Il s'est notamment distingué en faisant défiler tous ses officiers, qu'ils soient noirs ou blancs, dans une stricte égalité (jusque-là, les blancs passaient en premier). Le 21 janvier 1963 lors de la chute de Kolwezy et de la défaite des mercenaires, ces derniers se réfugient en Angola avec l'accord du régime portugais. Ils seront rapatriés en France où ils seront accueillis par les gendarmes.
Puis, il part d’août 1963 à la fin 1964 pour le Yemen7 avec 17 mercenaires, dont les célèbres Roger Faulques et Jacques Frezier, anciens officiers parachutistes de la Légion étrangère, dans la 1re armée royaliste, financée par l'Arabie saoudite, contre les républicains soutenus par 40 000 soldats égyptiens envoyés par Nasser.
Bob Denard revient fin 1964 dans l'ex-Congo belge, à la tête du 1er choc qu'il met sur pied le 22 février 1965. En recrutant des mercenaires européens ainsi que des Katangais, il forme une petite troupe qui prend le surnom de « Katangais ». Elle contribue à la victoire sur les rebelles communistes menés par Gbenie, Soumialot et Mulele, largement due au colonel Schramme et à son Bataillon Léopard. Jean Schramme, instructeur et commandant du « Bataillon Léopard » où il atteint le grade de colonel, décrit Bob Denard comme un lâche et un irresponsable qui n'a jamais fait partie du Bataillon Léopard. Ses erreurs de commandement seraient à l'origine de lourdes pertes dans les rangs des mercenaires qu'il dirigeait.
Il est recruté en 1970 par le roi du Maroc, Hassan II, pour renverser le régime de Kadhafi en Libye. Deux cents hommes acheminés de Sicile préparent un débarquement sur les côtes libyennes mais l'opération est soudainement annulée par Rabat.
L'homme fort des Comores
Denard intervient une première fois dans la république des Comores décidé de son indépendance à hauteur de 95 % des voix.
En janvier 1977, il échoue dans une tentative de coup d'Etat destinée à renverser le régime de la république populaire du Bénin. Il est ensuite pressenti en 1977 pour déstabiliser le régime des Seychelles.
La même année, lors d'une rencontre avec Ahmed Abdallah, réfugié en Afrique du Sud et au renversement duquel il avait participé, Bob Denard propose de l'aider à retrouver son fauteuil de président, avec le feu vert des puissances concernées. Le plan initial prévoit d'utiliser un appareil sud-africain décollant de Rhodésie, mais doit être abandonné en raison du refus du Mozambique de laisser utiliser son espace aérien. Le 13 mai 1978, Bob Denard débarque donc aux Comores à bord d'un ancien navire océanographique avec 43 hommes pour renverser le régime marxiste révolutionnaire de Soilih et rétablit alors Ahmed Abdallah au pouvoir. Ali Soilih est exécuté d'une balle dans la tête à le 29 mai 1978 à l'issue de ce qui est présenté comme une tentative d'évasion.
Bob Denard s'occupe dès lors d'organiser une garde présidentielle forte de 600 Comoriens encadrés par une poignée d'officiers européens. Cette unité entre en concurrence avec les forces armées comoriennes. Il se marie sur place, se convertit à l'islam, s'occupe de développement (construction de routes, ferme de 600 ha à Sangali, etc.). Son autorité est alors incontestée. Il se tourne également résolument en direction de l'Afrique du Sud pour trouver le soutien, notamment financier, dont il a besoin. La république fédérale islamique des Comores devient le centre d'un réseau parallèle qui permet à l'Afrique du Sud, sous embargo international, de se fournir en armes. Elle sert également de base logistique à l'Afrique du Sud pour ses opérations militaires contre les pays africains qui lui sont hostiles : le Mozambique et l'Angola. De son côté, le régime de l'apartheid règle depuis 1989 les soldes des membres de la Garde présidentielle.
Jusqu'à la mort d'Abdallah, dont il est chargé de la sécurité, et même si ses apparitions publiques se font très rares après 1985, Denard joue en coulisses un rôle considérable dans la vie publique comorienne. Il est surnommé le « vice-roi des Comores » et règne de facto pendant 10 ans sur l'archipel.
Avec le soutien de l'Afrique du Sud, il forme un corps de mercenaires appelé à intervenir à la demande de Pretoria ou de Paris. Celui-ci sera déployé seulement au Tchad, en 1981-1982, pour appuyer la rébellion de Hissène Habré.
En 1989, Ahmed Abdallah signe un décret donnant l'ordre à la Garde présidentielle, dirigée par Denard, de désarmer les forces armées pour cause de coup d'État probable. Quelques instants après la signature du décret, un officier des forces armées serait entré dans le bureau du président Abdallah et l'aurait abattu, blessant également Bob Denard. Blessé, impopulaire et accusé de meurtre, il négocie son départ pour l'Afrique du Sud.
Dans la nuit du 27 au 28 septembre 1995, Denard renverse le nouveau président comorien Mohamed Djohar (élu en 1990) avec une trentaine d'hommes débarqués en Zodiac avec son protégé Sauveur Farina, tireur d'élite, ainsi que le lieutenant Blancher Christophe, son pilote privé arrivé quelques heures plus tôt, il avait pour mission d’exécuter plusieurs navettes entre l'île de Mohéli et l'île de la Grande Comore, personne à ce jour ne connait exactement la véritable mission du lieutenant Blancher et de ses multiples rotations entre les îles à bord de son Cessna 172. Bob Denard ouvre aux journalistes le vieil aéroport de Moroni et son camp retranché de Kangani pour éviter l'intervention de 600 hommes des forces françaises (GIGN, commandos Marine de Djibouti, 2e RPIMa). Cerné, il négocie une amnistie pour les insurgés avant sa reddition et la préparation de son procès.
Participation au génocide du Rwanda
Contacté par le gouvernement hutu en 1994, malgré les réserves de la DGSE qui tente de le dissuader d'intervenir dans le camp du génocide, Bob Denard dépêche des hommes pour certaines missions. Si ses agissements restent assez méconnus, il reçoit au moins un versement de plus d’un million de francs par chèque bancaire.
De retour en métropole, il se retire dans le Médoc, où il rêve de construire un musée de la décolonisation. En 1999, Bob Denard s'installe à Chennevières-sur-Marne. Il s'y remarie le 21 mai 2005.
Il doit cependant faire face à de nombreuses procédures judiciaires ainsi qu'à des ennuis d'argent et de santé.
Plusieurs journalistes ont essayé de le rencontrer quelques années avant sa mort, pour lui demander des informations sur sa vie, afin d'en faire un livre. Au début, il refusa de les voir, estimant être capable de rédiger ses mémoires seul, dans lesquels il promettait de nombreuses révélations. Mais il fut progressivement gagné par la maladie d'Alzheimer, qui rendit confuse sa mémoire sur les événements passés.
Il meurt le 13 octobre 2007 dans le dénuement le plus total, d'un arrêt cardiaque, emportant avec lui une partie de ses secrets et sans jamais avoir été emprisonné.