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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
18 février 2023

Convoitise d'un magnat russe pour un aéroport allemand

Viktor Kharitonin, magnat russe de l’industrie pharmaceutique, souhaite racheter un aéroport régional à Francfort. Si ce milliardaire n’est sur aucune liste de sanctions, la prise de contrôle d’un site, ancienne base militaire américaine, par un Russe, en pleine guerre avec l’Ukraine, inquiète à Berlin.

berlin2Ancienne base pour l’US Army en Allemagne, utilisé occasionnellement pour le transport de matériel militaire américain en Europe, un aéroport régional de Francfort pourrait dorénavant passer... sous bannière russe. 

Du moins, si le ministre allemand de l’Économie et vice-Chancelier, Robert Habeck, donne son feu vert à la vente de l’aéroport en faillite Francfort Hahn - qui a longtemps survécu dans l’ombre du grand aéroport international de Francfort -  à Viktor Kharitonin, le roi russe de l’industrie pharmaceutique et PDG du groupe Pharmstandard.

Infrastructure critique ?

Le gouvernement a, en effet, reconnu, mercredi 8 février, avoir été saisi de la tentative de rachat de cet aéroport par l’un des rares multimilliardaires russes à ne pas encore être visé par des sanctions internationales en raison de la guerre déclenchée par Moscou contre l’Ukraine.

“Le ministère de l’Économie a chargé le ministère de l’Intérieur d’évaluer si l’aéroport Francfort-Hahn doit être considéré comme une infrastructure critique”, a indiqué le gouvernement dans un communiqué.

Une telle dénomination permettrait à Berlin de bloquer la vente en raison d’un risque pour la sécurité nationale. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, la perspective de voir un richissime homme d’affaires russe prendre le contrôle d’un aéroport a en effet suscité une véritable levée de bouclier depuis plus d’une semaine. Et a placé le gouvernement allemand dans une situation délicate.

Le problème est triple pour Robert Habeck. Difficile, d’abord, de se faire une idée sur les liens de Viktor Kharitonin, qui demeure l’un des milliardaires russes les plus mystérieux, avec le Kremlin. Nul ne sait ensuite pour quelle raison il est prêt à dépenser 20 millions d’euros afin d'acquérir un aéroport régional en faillite, et qui peine à trouver un repreneur depuis près d’une décennie. Enfin, il n’a pas dévoilé ses plans pour ce site et les plus de 400 emplois qui en dépendent directement.

Le Land de Hesse, qui détient plus de 17 % du capital de Francfort-Hahn, implore le gouvernement de bloquer la vente. Donner les clefs d’un aéroport en plein cœur de l’Europe, utilisé occasionnellement par l’armée américaine, en pleine guerre en Ukraine, à un “oligarque” russe serait du plus mauvais effet, assure le gouvernement régional.

Attention au délit de faciès, répliquent les administrateurs de cet établissement en cessation de paiement depuis 2021. Ils refusent de s’opposer par principe à la vente et rappellent que Viktor Kharitonin a déjà une présence dans la région. Le milliardaire a acheté, en 2014, le célèbre circuit automobile allemand de Nürburgring, qui se trouve à environ 100 km de l’aéroport Francfort-Hahn.

L’homme d’affaires n’a en outre été inscrit sur aucune liste noire - ni aux États-Unis, ni en Europe - depuis le début de la guerre. “Il n’a aucune influence particulière à Moscou”, veulent-ils croire. 

Un avis qui n’est pas partagé de tous. En 2018, le patron du groupe Pharmstandard avait été placé sur une liste américaine de plus de 200 noms de personnalités russes réputées proches de Vladimir Poutine.

Milliardaire très discret

berlin1Mais il est difficile de connaître l’influence politique réelle de ce milliardaire, tant il reste en retrait de la vie publique. Il est l’un des rares riches russes à n’avoir jamais donné d’interview à la presse, occidentale ou même russe, souligne la Süddeutsche Zeitung, le principal quotidien du sud de l’Allemagne.

Il a cependant eu certains des Russes les plus influents comme compagnons de route professionnels. L’autre cofondateur de l’empire Pharmstandard n’est autre que l’un des oligarques historiques les plus célèbres sur la scène internationale : Roman Abramovitch, l’ex-propriétaire du club de football britannique de Chelsea. 

“Ses protecteurs actuels font aussi partie de l’élite du paysage économico-politique à Moscou”, indique un connaisseur du régime politique russe qui a préféré garder l’anonymat. Viktor Kharitonin peut, en effet, compter sur le soutien de Tatiana Golikova, la vice-Première ministre de Russie, et de Sergueï Tchemezov, l’influent patron du conglomérat Rostec et ancien agent du KGB en poste à Dresde à la même époque que Vladimir Poutine.

Difficile, donc, de prétendre que le candidat à l’acquisition de Francfort-Hahn n’est pas introduit dans les cercles du pouvoir russes. Mais “ça ne veut pas dire qu’il agit uniquement sur ordre du Kremlin, surtout pour une affaire qui n’est pas très importante financièrement”, assure l’expert interrogé par France 24. 

Les 20 millions d’euros proposés ne pèsent pas très lourd pour ce milliardaire dont la fortune est estimée à plus de cinq milliards de dollars

Mais pourquoi s’intéresser à cet aéroport, même pour la “modique” somme de 20 millions d’euros. C’est un autre grand mystère qui stimule l’imagination des commentateurs outre-Rhin. “La région est stratégique pour les mouvements militaires américains en Europe et la livraison d’armes en Ukraine”, assure Joachim Krause, politique allemand et spécialiste des questions de sécurité nationale à l’université de Kiel, interrogé par la radio Südwestrundfunk (SWR). 

L’armée américaine - qui a exploité cet aéroport jusqu’en 1992 - continue à l’utiliser pour le transit de ses soldats et des munitions. À la fin des années 2000, par exemple, les troupes américaines utilisaient ce site comme escale avant de rejoindre l’Afghanistan et l’Irak.

Aéroport stratégique ou caprice de milliardaire ?

D’autres commentateurs pensent, en revanche, que ce lieu n’est plus aussi important aux yeux des Américains. Viktor Kharitonin aurait porté son dévolu sur cet aéroport plutôt par amour pour les courses de voitures. S’il en détient les clefs, il pourrait arriver rapidement, et surtout discrètement, au circuit de Nürburgring, estime l’émission Tageschau de l’ARD, la première chaîne de télévision allemande.

La bataille pour le contrôle de cet aéroport est aussi un énième chapitre d’une histoire très mouvementée. L’Allemagne n’a jamais réussi à transformer cette ancienne base militaire en aéroport capable de délester celui de Francfort, l’un des plus importants d’Europe. Il a longtemps été question de laisser Ryanair, la compagnie low-cost irlandaise, le gérer, mais ce projet n’a jamais abouti.

En 2016, l’aéroport pensait avoir trouvé son sauveur chinois : la société Shanghai Yiqian Trading avait soumis une offre de rachat. Problème : une rapide enquête des médias allemands avait alors démontré que ce groupe… n’existait probablement pas ou était une société écran. La vente avait alors été annulée en urgence.

Quelques mois plus tard, un autre groupe chinois  - HNA Group - s’était présenté. Cette fois-ci, l’offre paraissait plus sérieuse, mais Berlin avait insisté pour que cette entreprise chinoise n’achète que 20 % de l’aéroport, afin de rester actionnaire minoritaire.

C’est d’ailleurs ce qui semble se dessiner dans le cas de Viktor Kharitonin, qui a fait savoir, dimanche 12 février, qu’il pourrait se contenter, le cas échéant, de 20 % de Francfort-Hahn. La balle est maintenant dans le camp du vice-Chancelier allemand, Robert Habeck. (selon "France 24")

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