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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
28 septembre 2022

Guerre au Yémen, pas d’issue en vue

Le conflit au Yémen ne montre aucun signe d’apaisement alors qu'il est dans sa huitième année, et que les populations civiles de tout le pays et de toutes les générations demeurent les principales victimes des hostilités militaires et des pratiques illégales des groupes armés étatiques et non étatiques.

yemenDes violations manifestes des droits humains, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre, sont commises dans tout le pays. À la fin de l’année 2021, on estime que plus de 330 000 Yéménites auraient été tué·e·s du fait des affrontements et de la crise humanitaire. Dans le même temps, le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l'Homme a recueilli des informations sur plus de 20 000 civils tués ou blessés par les combats depuis mars 2015. Cette crise humanitaire imputable à l’homme a pris de l’ampleur : quelques 20 millions de personnes se réveillent en souffrant de la faim chaque jour.

Un conflit de plus en plus étendu

Les révoltes populaires qui ont éclaté au Yémen en 2011 ont contraint le président Ali Abdullah Saleh à quitter le pouvoir après 33 ans, sur fond d’accusations de corruption et de mauvaise gestion et dans le contexte d’un conflit de longue date non résolu avec les Houthis, un groupe armé basé dans le nord du pays, dont les membres sont adeptes du zaïdisme, un courant de l’islam chiite.

Ali Abdullah Saleh a été remplacé par son vice-président, Abd Rabbu Mansour Hadi, ce qui a permis d’organiser la Conférence de dialogue national. Après deux années de consultation, un projet de nouvelle carte fédérale a été présenté ; il divisait le Yémen en régions, sans tenir compte des doléances à caractère socio-économique ou régional. Il a reçu un accueil extrêmement réservé de la part de la population et a suscité une vive opposition des différentes factions, y compris les Houthis.

Les Houthis se sont appuyés sur le mécontentement général pour renforcer leur mainmise sur le gouvernorat de Saada et les zones environnantes du nord du Yémen. En septembre 2014, ils sont parvenus à étendre leur contrôle territorial en s’emparant d’un certain nombre de positions de l’armée et des forces de sécurité dans la capitale, Sanaa. L’alliance de circonstance nouvellement scellée avec l’ancien président, Ali Abdullah Saleh, contre qui ils s’étaient battus pendant des décennies, leur a facilité la tâche dans une certaine mesure. Après la prise de Sanaa par les Houthis, au début de l’année 2015, le président Abd Rabbu Mansour Hadi et les membres de son gouvernement ont été obligés de fuir.

Le 25 mars 2015, une coalition d’États dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis est intervenue à la demande du président, en vue de réinstaller au pouvoir le gouvernement reconnu par la communauté internationale.

yemen2Cette opération, au cours de laquelle la coalition a lancé un raid aérien contre les forces houthies, a marqué le début d’un véritable conflit armé. Pendant les quatre années qui ont suivi, le conflit s’est étendu jusqu’à englober l’ensemble du territoire et les parties, dont un certain nombre de groupes armés soutenus par la coalition, se sont multipliées. Les Émirats arabes unis, par exemple, bien qu’ils aient annoncé s’être retirés du Yémen en octobre 2019, entraînent, financent et arment activement différents groupes depuis le deuxième semestre de 2015, favorisant ainsi la prolifération de milices qui ne sont pas soumises à l’obligation de rendre des comptes, comme les Forces de la ceinture de sécurité, les « Brigades des Géants » et les Forces d’élite.

En décembre 2017, les Houthis ont encore consolidé leur pouvoir après avoir assassiné leur allié, l’ancien président Ali Abdullah Saleh ; ils contrôlent toujours la plupart des centres urbains, y compris Sanaa.

Si les pourparlers encouragés par les Nations unies, qui se sont achevés en Suède à la fin de l’année 2018, ont donné lieu à des cessez-le-feu partiels et fragiles à Hodeïdah au cours de l’année 2019, ils n’ont pas mené à des échanges de prisonniers comme espéré initialement. Cependant, le 16 février 2020, un plan détaillé d’accord d’échange de prisonniers a été conclu entre les parties au conflit, ce qui constituerait le premier échange officiel de grande ampleur de détenus en lien avec ce conflit depuis 2015.

Détention arbitraire et procès inéquitables

Toutes les parties au conflit bafouent la liberté d’expression et d’association en ayant recours à des détentions arbitraires, à des disparitions forcées, à des manœuvres de harcèlement, à la torture et autres mauvais traitements et à des procès inéquitables.

Le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale a harcelé, menacé et détenu arbitrairement des militant·e·s, notamment des défenseur·e·s des droits humains. Dans le sud du Yémen, les forces soutenues par les E.A.U. ont mené une campagne de détentions arbitraires et de disparition forcée à l’encontre de personnes qui étaient ensuite détenues dans un réseau de prisons secrètes, dans des conditions qui pourraient constituer des crimes de guerre.

Les forces houthies ont arrêté et détenu arbitrairement des détracteurs et des opposants, ainsi que des journalistes, des militant·e·s en faveur des droits humains et des membres de la communauté baha’i. Amnesty International a recensé les cas de 66 personnes, en grande majorité des hommes, qui ont comparu devant le Tribunal pénal spécial siégeant à Sanaa, un tribunal traditionnellement réservé aux affaires de terrorisme, en lien avec leurs activités pacifiques. Dans tous les cas qui ont été recensés, les Houthis et leurs alliés ont soumis ces personnes à des dizaines de violations, notamment des disparitions forcées, des détentions arbitraires, et des actes de torture et de mauvais traitements.

Les conditions de vie dans les prisons et les centres de détention, notamment la surpopulation massive dans les cellules, le manque d’accès aux soins, à suffisamment de nourriture, à de l’eau propre et à des installations sanitaires ont concouru à la propagation du COVID-19 dans les prisons gérées par les Houthis, exposant ainsi les détenu·e·s à d’importants risques pour leur santé. Aucune des parties n’a pris de mesures pour protéger les détenu·e·s et ralentir la diffusion du virus dans les prisons et les centres de détention, par exemple en fournissant des masques et d’autres articles d’hygiène.

Vous trouverez ci-dessous certaines des personnes emprisonnées par les autorités houthies de facto, et pour lesquelles Amnesty International fait campagne :

HAMID HAYDARA

hamidHamid Haydara est un Yéménite de foi baha’i qui, comme d’autres membres de sa communauté, a sacrifié des années de sa vie uniquement en raison de ses croyances religieuses. Détenu depuis décembre 2013, il a été soumis à une procédure judiciaire profondément entachée d’irrégularités, notamment des allégations selon lesquelles il aurait été soumis à des actes de torture et à d’autres formes de mauvais traitements en détention. En janvier 2018, le tribunal pénal spécial l’a condamné à la peine capitale.

En mars 2020, les autorités houthies de facto ont annoncé la décision de libérer Hamid Haydara et de révoquer sa condamnation à mort. Il a été remis en liberté le 5 juillet 2020, mais a été contraint à l’exil.

LES DIX JOURNALISTES

Au cours de l’été 2015, les Houthis ont incarcéré un groupe de 10 journalistes : Abdelkhaleq Amran, Hisham Tarmoom, Tawfiq al Mansouri, Hareth Hamid, Hasan Annab, Akram al Walidi, Haytham al Shihab, Hisham al Yousefi, Essam Balgheeth et Salah al Qaedi.

Depuis leur arrestation en 2015, ces personnes sont restées détenues sans inculpation ni jugement. Elles ont enfin été déférées devant le Tribunal pénal spécial en décembre 2019. Au cours de leur détention, ces hommes ont été soumis à une disparition forcée, détenus au secret et à l’isolement de façon intermittente, privés de soins médicaux, et au moins trois d’entre eux ont été victimes de torture de d’autres mauvais traitements.

En avril 2020, le tribunal pénal spécial a ordonné la remise en liberté de six d’entre eux et a condamné à la peine capitale les quatre hommes restants, Akram al Walidi, Abdelkhaleq Amran, Tawfiq al Mansouri et Hareth Hamid.

Parmi les six journalistes acquittés par le tribunal pénal spécial, les autorités houthies de facto ont libéré Salah al Qaedi le 26 avril 2020 ; et les cinq autres le 15 octobre 2020 dans le cadre d’un échange de prisonniers, cinq mois et demi après leur acquittement.

YOUSSEF AL BAWAB

Youssef al Bawab, père de cinq enfants, est un enseignant en linguistique et une personnalité politique. Il avait été arrêté en octobre 2016 alors qu’il sortait de la mosquée près de chez lui, à Sanaa. Plus tard cette nuit-là, les Houthis ont effectué une descente à son domicile et ont confisqué ses possessions. Il a fallu plus de trois mois pour que ses proches parviennent à déterminer où il se trouvait et à lui rendre visite. Les circonstances de son arrestation, suivies par le refus des autorités de révéler son sort ou le lieu où il se trouvait, s’apparentent à une disparition forcée. Il a été inculpé, en avril 2017 de plusieurs infractions, passibles de la peine capitale pour la plupart, notamment d’avoir aidé la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis en lui fournissant des renseignements sur ses objectifs militaires et d’avoir organisé des assassinats. La procédure judiciaire engagée contre Youssef al Bawab a été entachée de graves irrégularités tout au long de sa détention.

À l’issue d’un procès inique entaché de graves violations des règles de procédure, le Tribunal pénal spécial l’a condamné à mort le 9 juillet 2019, de même que 29 autres personnes, principalement des universitaires et des personnalités politiques, pour espionnage au profit de la coalition menée par l’Arabie saoudite. Les 30 hommes, qui ont tous été arrêtés entre 2015 et 2016, ont fait appel de leur condamnation.

ASMAA AL OMEISSY

En 2016, Asmaa al Omeissy, une mère de deux enfants, était en route pour Sanaa quand les Houthis l’ont arrêtée à un poste de contrôle et l’ont placée en détention. Elle a ensuite subi un calvaire qui l’a amenée à devenir la première femme yéménite, à notre connaissance, condamnée à mort pour des infractions liées à la « sûreté de l’État ».

Au cours de sa détention, elle a été frappée violemment, et on l’a forcée à regarder pendant que deux autres personnes détenues étaient pendues au plafond par les poignets et frappées à coups de pied et de poing. C’est seulement en mai 2017 qu’elle a finalement été inculpée et déférée au Tribunal pénal spécial de Sanaa, chargé de juger les affaires liées au « terrorisme » et à la « Sécurité de l’État ». Alors que les trois hommes impliqués dans la même affaire ont été libérés sous caution, elle est restée en détention, et le 30 janvier 2017, le juge l’a condamnée à mort. Le 9 juillet 2019 le juge a annulé sa condamnation à mort et l’a commuée en peine de 15 ans d’emprisonnement. (selon "Amnesty international")

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