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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
6 février 2013

Quand l'Ouest rachetait les prisonniers politiques de l'Est

wernerrossA l'époque de la guerre froide, la RFA (République Fédérale Allemande) a dépensé beaucoup d'argent pour racheter à la RDA (République Démocratique Allemande ou Allemagne de l'Est) la liberté de nombreux prisonniers politiques. Werner Ross est l'un d'eux.

La liberté oui, l'Ouest non !

En 1969, Ross fut sorti de prison et envoyé à l'ouest contre sa volonté. Il voulait rester dans son pays, la RDA. Non pas parce-qu'il aimait le système, mais parce-qu'il pensait qu'il avait sa place chez lui, et qu'il fallait combattre le régime sur place plutôt que s'exiler. "Il y a eu de nombreux allemands qui auraient préféré rester dans leur pays bien qu'ils souffraient des conditions de vie. J'ai eu de nombreuses lettres allant dans ce sens." C'est ce que déclare Werner Ross, professeur de théologie à la retraite, aujourd'hui installé à Rheinfelden. Mais les autorités ouest-allemandes n'en ont jamais fait état. Il n'a d'ailleurs jamais eu connaissance de la transaction qui le concernait. Tout ce qu'il sait, c'est que le 14 mai 1969, il a été extrait de sa cellule à la prison de Berlin-Rummelsburg, installé dans un bus et conduit à la frontière entre les deux Allemagne. Pendant ce temps, sa jeune épouse l'attendait en Thuringe. Ils s'étaient mariés en 1967. Elle espérait qu'il puisse revenir. Mais les retrouvailles n'eurent jamais lieu et le mariage ne survécut pas à la séparation. Werner Ross avait été condamné à deux ans de prison comme objecteur de conscience qui refusait de faire son service militaire. Pourquoi il fut envoyé à l'ouest ? Il ne le saura jamais, son dossier à la STASI (police secrète) étant vide.

19 mois plus tard, Werner Ross fut reçu au Ministère de l'Intérieur à Bonn. Il expliqua qu'il était en RFA contre sa volonté. Sans aucun succès... Ross mit longtemps à s'adapter à une nouvelle vie à l'ouest. Il ne devait non seulement abandonner ses projets, mais aussi sa femme, sa mère, sa famille, ses amis. Et il subissait une telle rupture pour la deuxième fois de sa vie. Car déjà en 1947, sa famille avait dû quitter la Prusse de l'ouest. Il avait alors six ans. 22 ans ans plus tard, il devait s'exiler une deuxième fois.

Situations ignorées

Bien sûr, Werner Ross a refait sa vie à l'ouest, et il a bien vécu. Il s'est remarié, a eu quatre enfants, il est devenu pasteur à Fribourg-en-Brisgau et professeur de religion à Lörrach. Il aurait pu aspirer à un poste d'ingénieur. Depuis 16 ans, il s'est investi dans une association de Haute-Rhénanie pour le dialogue inter-religieux, et contribua à la construction de la mosquée de Rheinfelden. Il a toujours considéré la religion sous l'angle du militantisme politique et de l'ouverture à tous. "J'aurais voulu être pasteur à l'Est, pas à l'Ouest. "J'aurais bien voulu participer à la révolution qui a amené la chute du Mur de Berlin." En 1989, son épouse redoutait qu'il retourne à l'est. Mais Werner avait tourné la page. En décembre 2012, il écrivit au journaliste Egon Bahr, ancien maire de Berlin et ministre du chancelier SPD Willy Brandt, qui prétendait dans un article ne pas connaître de personnes qui auraient refusé leur envoi à l'ouest. "Si, il y a eu des cas !" Bahr répondit que sa lettre l'avait fort intéressé. D'autres à qui Ross avait écrit, ne répondirent jamais.

(traduit d'un article de ce jour de la "Badische Zeitung")

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Commentaires
G
Ce ne sont jamais les exilés qui font les révolutions ! Cette histoire est très intéressante.
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