Payer en petites pièces
Je ne veux pas passer pour un mauvais payeur dans ma commune », s’insurge Patrice Blasius. Du coup, lorsque sur sa maison une affiche « saisie-vente » a été apposée, le sang du Cocherois n’a fait qu’un tour. Et hier matin, il a débarqué à l’étude des huissiers de justice Lehalle-Muller, à Forbach, pour régler la somme de 700 €, due à la suite à une procédure de recouvrement.
Sauf que l’homme est venu… valise à la main, indispensable pour transporter la somme nécessaire. Car, vexé, Patrice Blasius a choisi de s’acquitter de sa dette avec des pièces de monnaie de 1 et 2 centimes d’euro. Faites le calcul : pour un euro, il faut 50 pièces au moins, 100 au plus selon la valeur nominale de chaque sou. Soit des dizaines de milliers de pièces cuivrées, dûment comptées et empaquetées dans des sachets. « Vous pouvez avoir confiance, le compte y est. La banque a vérifié », assure Patrice Blasius. Une opération bien pensée qui a nécessité un mois de préparation. « Je me suis renseigné. Jusqu’à 3 000 euros, j’ai le droit de régler en espèces. »
Sauf que la provocation n’a pas été du goût de l’huissier. « Je ne peux pas accepter », a estimé M e Laurent Muller, en s’appuyant sur un texte de la législation européenne qui dit que « nul n’est tenu d’accepter plus de cinquante pièces lors d’un seul paiement. » C’est-à-dire que vous pouvez payer en billets jusqu’à 3 000 euros, mais pas régler en pièces un achat supérieur à 100 euros, ce qui correspond à 50 pièces de 2 euros. Cet article mettant fin à l’idée qu’on pouvait régler son percepteur avec des sacs de piécettes.
« Mais je ne suis pas Européen. Je suis Français, a rétorqué Patrice Blasius à l’homme de loi. Alors faites-moi un reçu comme quoi vous refusez que je vous paye… »
— « Je ne refuse pas que vous payiez. Je refuse ce moyen de paiement », a nuancé l’huissier Muller. Si vous ne perdiez pas de temps, et ne mettiez pas tant de mauvaise foi, c’est un dossier qui serait clos depuis longtemps. »
— « Mais je viens vous régler. Et vous refusez ! », a clamé Patrice Blasius.
S’en est suivi un dialogue de sourds, qui n’a pris fin qu’avec l’arrivée d’une patrouille de police. Les hommes du commissariat ont fait entendre raison au Cocherois. Patrice a fini par céder et quitter l’étude. « Je vais aller à la banque et je reviens cette après-midi. Mais c’est quand même incroyable », maugrée-t-il. Quant à l’huissier, impassible, on peut penser qu’il a souri de voir l’homme repartir avec sa lourde valise, après lui avoir « rendu » la monnaie… de ses piécettes !
Bertrand BAUD (L'Est Républicain)