Un habitant de la vallée écrit dans "Le monde"
Le mirage du candidat indépendant
« De nombreux candidats aux élections cantonales se présentent aux suffrages des électeurs comme indépendants ou apolitiques. » |
« Les Partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage » |
(Constitution de la cinquième république Titre 1 Art, 4) |
Le texte de la Constitution est clair, les divers candidats aux élections issus d'un parti politiquesont à même de représenter une volonté collective qui concoure au respect de la démocratie. Pourtant, à chaque élection, c'est vrai principalement pour les élections locales ou départementales, on voit réapparaitre des candidats indépendants, apolitiques, ou sans étiquette. Certains vont jusqu'à vouloir rester « libres ». Ce phénomène est ancien et surtout présent dans le monde rural.
Le candidat indépendant est le cas typique permettant l'utilisation de la langue de bois qui ne veut strictement rien dire sauf à ratisser large. A chaque fois, l'apolitisme réapparait en force avec des arguments ressassés depuis des lustres.« On n'est pas dans des combinaisons politiciennes »
« On est au service de l'ensemble de la population »
« L'idéologie n'a pas sa place dans la gestion locale »
etc..etc...
En clair, ce qui est nécessaire au plan national devient nuisible au plan local. Une décision politique à l'Assemblée Nationale, ne serait que de simple gestion à l'Assemblée Départementale. La noblesse de l'acte d'un coté, la gestion du quotidien de l'autre. Il faut remarquer que cette attitude est adoptée plutôt par des gens rejoignant la droite une fois élu. Souvent, ils assument des choix libéraux en se cachant derrière un discours alambiqué de petit élu rural. Le sommet de l'hypocrisie dans ce genre de pratique, c'est le candidat qui accepte ou sollicite le soutien d'un Parti traditionnel tout en se voulant indépendant. C'est à la limite de l'escroquerie politique. L'avance masquée ne dure que l'espace d'une campagne. On rejoint ensuite son camp d'origine. En terme de rigueur intellectuelle, la démarche n'augure rien de bon. Certains exclus ou dissidents de partis font aussi les beaux jours du camp des indépendants. En terme footballistique, on pourrait dire qu'ils purgent leurs matchs de suspension.
Ce positionnement n'est ni honnête, ni courageux. L'action concrète de tout élu même local l'oblige à prendre des décisions qui mettent en jeu des valeurs politiques. Au niveau institutionnel, ces élus sont « grands électeurs » lors des Sénatoriales. Ils ont donc à choisir entre les candidats présentés par les grands Partis Politiques. L'apolitisme ne résiste pas à ce choix. L'apport de leur signature pour un candidat aux Présidentielles, l'influence que peut représenter leur signature pour un comité de soutien etc etc.. ces actes sont des actes politiques et partisans. Chaque décision mettant en jeu des moyens financiers ayant des conséquences sociales, économiques, culturelles, environnementales sont des décisions politiques. Vouloir nous faire croire le contraire, c'est vouloir nous cacher la réalité de la politique menée. On le voit, ce discours est non seulement mensonger, il est aussi dangereux au niveau de la vie démocratique. Si l'on peut s'affirmer « apolitique » lors d'élections cantonales, c'est que le débat politique n'aurait pas lieu d'être à ce niveau, ce qui est déjà réducteur de la vie démocratique et contraire on l'a vu à l'esprit de la Constitution. Si la démocratie locale peut se passer de la politique, attention à ce qu'elle ne puisse se passer des politiques. Se revendiquer de « l'apolitisme » c'est contribuer au rejet populiste de la politique. L'histoire nous a montré les dangers d'un tel rejet.
La nouvelle loi sur la réforme des collectivités territoriales qui entrera en vigueur en 2014, corrigera cette dérive en supprimant le Conseiller Général. Drôle de remède pour guérir la maladie. Point positif tout de même, la nouvelle assemblée obligera les élus à se déterminer bien avant le scrutin. Comme nous l'avons dit, l'apolitisme n'est que passager. Une fois élu, « l'indépendant » devient une pièce rapportée d'un parti qui lui, pratique la politique. Pas sûr que ce soit le meilleur parcours. Faire partie du premier cercle est toujours plus valorisant.
Dans ce domaine, le sentiment d'indépendance, n'est que douce utopie ou, ce qui est plus grave, manipulation des électeurs. |
André Wandoch
10 Novembre 2010