L'ouverture "Juppé - Rocard"
En nommant au nom de l'ouverture Michel Rocard président, avec le chiraquien Alain Juppé, de la "commission sur la contribution climat-énergie", le président de la république a eu "un coup de génie" qui fait l'unanimité contre lui. Et pour preuve, voici les éditoriaux de deux quotidiens qui n'ont rien de commun entre eux, "Libération" et "L'Est Républicain". Merci Nicolas !
LIBERATION : En quelques minutes de déclarations radiophoniques, Michel Rocard a réussi le tour de force de formuler des propositions incompatibles avec les engagements du chef de l'Etat, de se contredire, de jeter un doute sur sa culture politique et d'esquisser une des «usines à gaz» les plus improbables jamais produites par l'imagination fiscale des énarques. L'idée rocardienne de prélever 8milliards, l'an prochain, sur une économie qui ne sera pas encore relevée de la crise, dont 4,3milliards sur les revenus des ménages qui sont les derniers soutiens de la croissance par leur consommation, cette idée baroque se heurte à la déclaration de Nicolas Sarkozy au Grenelle de l'Environnement: «Je suis contre toute fiscalité supplémentaire qui pèserait sur les ménages et les entreprises.» Michel Rocard se contredit lui-même à deux reprises. Il déclare d'abord que l'objectif est de «peser sur les comportements». Puis il reconnaît qu'il s'agit surtout «d'amorcer une réorganisation des prélèvements obligatoires en faisant évoluer la fiscalité des entreprises». Enfin, il laisse échapper que son projet vise à «renforcer la compétitivité des entreprises». Le glissement sémantique de l'écologie vers la compétitivité est un aveu: il s'agit de transférer sur les ménages le coût de la suppression de la taxe professionnelle qui soulagera les entreprises. La mémoire politique de ce vieux socialiste est prise en défaut lorsqu'il promet que les milliards ponctionnés ne serviront pas à limiter le déficit de l'Etat. Il était déjà énarque quand l'illustre Paul Ramadier détournait le produit de «la vignette pour les vieux» afin de financer la guerre d'Algérie. Enfin, les mécanismes, incroyablement compliqués, retenus au nom de «l'acceptabilité» de la taxe, en compromettent la «faisabilité.»
L'EST REPUBLICAIN : François Mitterrand affirmait ne rien comprendre de ce que disait Michel Rocard. Les Français qui l'ont entendu, hier, sur une radio, doivent penser de même. Alors que l'ancien Premier ministre socialiste était censé expliquer la taxe carbone, ils ont surtout retenu qu'il leur faudrait payer plus cher l'énergie d'origine fossile qu'ils consomment ou qu'ils n'avaient qu'à rouler en vélo. Comme opération déminage, il y a mieux.
Pour amadouer les consommateurs, le gouvernement en appelle au réflexe citoyen pour réduire les gaz à effet de serre et joue sur les mots : l'écot qui leur sera imposé constituera une «contribution» au sauvetage de la planète et nullement une « taxe » en vue de combler les trous du budget de l'Etat. Avoir choisi l'inventeur de la CSG pour piloter le groupe d'experts n'a rien de rassurant, puisque celle-ci n'a cessé d'augmenter en perdant une partie de sa déductibilité de l'impôt sur le revenu. La promesse d'une compensation pour les ménages les plus modestes ou pour ceux qui sont obligés de prendre leur voiture et de se chauffer au fuel a de fortes chances de suivre le même chemin. Nicolas Sarkozy s'est engagé à ce que la taxe carbone n'augmente pas les prélèvements obligatoires, mais le rapport s'en tient à des généralités sur la question. Si la manne espérée de 8,3 milliards - au début - compense la suppression annoncée de la taxe professionnelle, les entreprises applaudiront. Qu'en sera-t-il pour les ménages qui y participeront pour plus de moitié ? Michel Rocard renvoie vers Bercy pour apporter une réponse. Autant dire que les foyers ne récupéreront pas grand-chose des 300 € que la moitié d'entre eux devront débourser la première année. L'ancien Premier ministre assure qu'il s'agit avant tout de « changer le comportement énergétique des Français ». Mais il y a ceux qui ne peuvent pas et si la redistribution compense effectivement, cela ne modifiera rien. Sauf à monter une nouvelle usine à gaz qui pénalisera les classes moyennes. Prétendre rendre populaire une taxe relève de l'impossible.
Chantal Didier
L'UFC Que Choisir réagit :
Le projet de Michel Rocard, est un « hold-up fiscal sur le mode de la vignette automobile des années 1960-1970 », a dénoncé hier l’UFC-Que Choisir. L’association de défense des consommateurs souligne qu’elle « combattra ces propositions qui, si elles étaient adoptées par le gouvernement, constitueraient le pire des scénarios pour le pouvoir d’achat des consommateurs ».
Pour l’UFC, «la seule voie de passage acceptable est le dispositif du chèque vert, où l’ensemble des recettes fiscales est restitué aux consommateurs, sous forme d’une allocation qui maintient une incitation individuelle tout en tenant compte des disparités des ménages ».