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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
26 octobre 2016

Des ivoiriens réfugiés en Allemagne

Sasbachwalden en Forêt Noire 

sasbachwalden2

Sasbachwalden, ses vignes, ses vergers, ses superbes maisons à colombages, ses restaurants gastronomiques, ses hôtels de luxe, son parc à daims et ses… 500 réfugiés. C’est dans ce petit village de 2.400 habitants, l’un des plus beaux du pays, que le gouvernement allemand a choisi de loger en 2015 des centaines de réfugiés arrivés de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan, du Bangladesh et d’Afrique. Un hôtel entier, le Bel Air, a été réquisitionné sur les hauteurs, avec vue imprenable sur la plaine d’Alsace. Abandonné depuis trois ans, il est à la disposition du Land de Bade-Würtemberg. Nous sommes ici sur le versant ensoleillé de la Forêt Noire, dans le canton d’Ortenau, tout près de Strasbourg. Un véritable paradis pour randonneurs, cavaliers, touristes, retraités et amateurs de bonne chère et de bons vins !

Au centre du village, les habitants n’expriment que timidement leur opinion sur l’arrivée massive de tant de pauvres hères. Une employée de la mairie, sous couvert d’anonymat, laisse entendre que la décision avait été prise en haut lieu, à Fribourg, et que le maire a bien été obligé de s’y plier. La plupart des restaurateurs et des hôteliers, qui acceptent de s’exprimer, observent une neutralité de bon aloi et soulignent que personne, au cœur de Sasbachwalden, n’a encore vu des migrants de près.

Des ivoiriens migrant depuis 2009

sasbachwalden

Parmi eux, deux jeunes ivoiriens, Zacharia Koné, 25 ans et son petit frère Ahmed, 17 ans, qui se préparent une salade de tomates à même le sol, au pied de leur lit de camp. Ces deux Ivoiriens ont fui la guerre civile à Abidjan, en 2009. Le reste n’est qu’une longue suite de souffrances au Niger, en Libye puis en Italie, après une traversée sur un frêle esquif. « Nous avons été battus, emprisonnés en Libye, maltraités en Italie », raconte l’aîné dans un français parfait. « Nous étions un groupe d’une centaine à voyager ensemble en Libye. Une vingtaine seulement a survécu. Tous les autres sont morts… »

Tant de risques pour poursuivre quel rêve ? Zacharia veut savoir à combien de kilomètres se trouve Strasbourg et la France, dont ils parlent la langue à la perfection, alors qu'ils ne comprennent pas un mot d'allemand. Depuis la fenêtre de sa chambre, il regarde en direction du pont de Kehl, les yeux brillants, et interroge : « On peut passer facilement ? ».

Voilà où ils en étaient en septembre 2015, persuadés qu'ils allaient enfin arriver rapidement en France et retrouver des amis ivoiriens. Ils allaient vite déchanter.

L'opposition du maire de Sasbachwalden

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Après un accueil réservé, le maire a donné de la voix. Valentin Doll, est furieux contre les autorités du Land de Bade-Wurtemberg, qui ne l'auraient pas prévenu de ces arrivées. "On aurait aimé en discuter en conseil municipal", dit-il, penaud et sans un regard pour les Syriens et les Afghans qui conversent, en petits groupes, sous l'auvent qui servait d'entrée à l'ancien trois étoiles. A Sasbachwalden, le tourisme reste le moteur de l'économie.  "Qui paiera si le taux d'occupation de nos hôtels s'effondre? Les touristes n'aiment pas les endroits où on sent la crise de trop près", s'est inquiétée la propriétaire d'un hôtel situé à l'autre bout du village, lors de la première réunion publique organisée jeudi soir dans la salle des fêtes. "On va tenir compte des réfugiés dans nos statistiques de population. Ça fera augmenter nos dotations publiques. Je parle d"une somme à six chiffres. C'est toujours ça de pris", a répondu le maire. Puis, il s'est adressé au tribunal de Karlsruhe pour obtenir le départ de ces migrants. Son argument : « Le Land a volé la commune ! »

 Méfiance et malveillance

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Dans la foulée, l'hiver fut chaud pour les réfugiés. Regardés avec méfiance, voire même du mépris, dans le village, ils furent les victimes de nombreuses brimades. Les actes de malveillance de la part d'inconnus furent nombreux : fausses alertes incendie ou autres alertes à la bombe, barrages obligeant à des évacuations intempestives, et amenant de nombreux pompiers et démineurs sur les lieux … pour rien. Au mois de janvier 2016, il y eut une journée avec quatre alertes de cette sorte et 18 la semaine suivante. Des alertes restées bien sûr, très anonymes. On ne va pas parler de tout le reste : plaintes de vol contre X... (sous-entendu : des réfugiés), interdictions nombreuses prises par le maire pour de soi-disantes raisons de sécurité, route bloquée nuitamment par l'abattage d'arbres, etc... Les réfugiés, devant une telle mauvaise foi, manifestèrent même un jour pour protester contre ces traitements « de faveur » en se rassemblant sur la route qui mène à l'hôtel Bel Air. Ce fut leur tort : la tension étant devenue telle que le Land décida, au mois de mars 2016, d'évacuer l'hôtel.

Que sont devenus les deux jeunes ivoiriens ?

Pendant leur séjour à Sasbachwalden, ils ne purent jamais obtenir de papiers pour venir en France. Motif : la réglementation européenne dit que les réfugiés ne peuvent demander le droit d'asile dans deux pays de l'union européenne. Or, ils avaient fait les démarches en Allemagne pour ne pas être expulsés vers l'Italie, voire la Libye, et n'étaient donc pas accessibles à un droit d'asile en France ! Et ceci bien qu'étant parfaitement francophones ! Charmante législation européenne avec un espace de Schengen soi-disant ouvert, acceptée par la France, championne des fêtes de la francophonie (à Nice en 2005). Alors nos deux jeunes, ont dû monter dans un bus, les reconduisant à Karlsruhe, puis à Heidelberg, puis à Berlin.

Où sont-ils aujourd'hui ? Difficile à dire, dans un hôtel en Allemagne en attendant une improbable suite dans leur pérégrination vers la France ? Renvoyés à Rome ou à Tripoli ? J'ai appris ces jours qu'en Allemagne de nombreux francophones, exilés du Tchad, de Côte d'Ivoire, du Niger, du Burkina-Faso, de Somalie, étaient dans le même cas qu'eux. Le gouvernement ivoirien, qui veut sans grand succès rapatrier les réfugiés des pays voisins (Sénégal, Ghana, etc...) sous prétexte de réconciliation nationale, se préoccupe-t-il de ces centaines de compatriotes que la guerre a jeté sur les routes européennes ? Quant à l'Europe, quand aura-t-elle une politique cohérente de l'immigration et de l'accueil des réfugiés ?

Aux dernières nouvelles, le maire de Sasbachwalden ayant été débouté par le tribunal de Karlsruhe, le Land pourra de nouveau héberger des réfugiés, en nombre moindre cependant.

sasbachwalden3Alerte à la bombe

sasbachwalden6Barrage sauvage établi par des anonymes

sasbachwalden4Evacuation lors d'une alerte

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Commentaires
H
Les ivoiriens sont des refugiés economiques..La guerre en RCI est finie depuis longtemps et surtout elle s'est deroulée sur un faible espace du pays. Il suffisait de se refugier dans le sud. D'apres les noms de ses ivoiriens musulmans ils craignaient rien. Fut arreter d'enfumer les gens. .Idem pour les tchadiens, senegalais etc! Il faut laisser la place aux vrais refugiés de guerre.
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B
En tous les cas, ces réfugiés sont des victimes. Les taquiner avec des alertes à la bombe, des alertes incendie, des barrages à la tronçonneuse, relève de la débilité. Ceux qui pratiquent ce petit jeu ridicule devraient être envoyés à Alep.
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C
Angela Merkel a-t-elle pris la bonne méthode pour accueillir les migrants ?
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F
Avec les migrants, DAECH a réussi son coup : déstabiliser les démocraties occidentales en faisant monter le faschisme.
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B
Les migrants, tout le monde s'en fout tant qu'ils ne dérangent pas, et s'ils bougent, on les chasse. Les dirigeants dictateurs des pays d'origine ne tiennent pas à les récupérer. Et l'Europe, terre d'accueil, n'existe pas.
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