TER Sélestat-Strasbourg bondés, usagers désabusés
Fatalistes, nombre d’usagers des TER alsaciens ne songent même plus à s’émouvoir du manque récurrent de places assises aux heures de pointe des déplacements « pendulaires » - un phénomène cependant très localisé, en particulier sur le court tronçon Sélestat-Strasbourg.
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Jeudi 9 janvier à l’aube, dans une gare SNCF de Sélestat encore ensommeillée. Le « 6 h 57 » s’ébranle doucement en direction de Strasbourg, quasi à vide, en tout cas guère plus rempli qu’il ne l’était 41 minutes plus tôt, lorsqu’il a quitté Mulhouse. Quasi vide, oui, mais ça va vite changer. Magie ou fatalité des « déplacements pendulaires », eux-mêmes réglés à quelques minutes près sur les sacro-saints horaires de bureau, les TER, même cadencés à bon rythme , ne seront jamais égaux en matière d’affluence. D’ailleurs, ça y est, les quais s’animent lentement mais sûrement.
Le local technique du contrôleur mis à contribution
« À cette heure-ci, d’habitude, il y a déjà plus de monde, concède tout de même le contrôleur qui bat la semelle au milieu des courants d’air. Plus d’étudiants surtout, mais comme l’Université de Strasbourg a reporté plusieurs cours à cause du froid… Ceci dit, vous allez voir, quand le “7 h 49” va arriver à son tour, il sera déjà plein, lui ».
Bien vu : à l’heure dite, ce TER-là aborde le quai rempli comme un œuf. Nulle surprise parmi les voyageurs qui s’agglutinent lentement aux portes des voitures : chacun semble d’abord occupé à finir sa nuit, un œil sur son smartphone, un autre posé deux mètres devant, dans le vague. « Certains jours, le contrôleur est même obligé d’ouvrir son petit local technique, pour que tout le monde puisse monter à bord… », confie au passage un habitué. Pour lui, comme pour ses compagnons de voyage, les 20 minutes de trajet jusqu’à Strasbourg se feront donc debout, en file indienne dans l’allée centrale, ou bien posté dans la maigre « plateforme » d’entrée des voitures.
« Rester 20 minutes debout, ça va. Si j’étais vieux ou malade, en revanche… »
Çà et là, quelques « carrés » de quatre places en vis-à-vis sont certes disponibles, mais « les gens n’osent pas demander aux voyageurs déjà installés de déplacer leurs sacs, assure Bertrand, 49 ans, mécano à la CTS. Mais moi je m’en fiche : rester 20 minutes debout, ça va, d’autant que j’ai pris l’habitude de monter dans le compartiment à vélos, où il y a plus de place. Si j’étais vieux ou malade, en revanche… »
Stoïcisme et fatalisme
Stoïcisme, fatalisme, routine : voilà l’humeur générale, à cent lieues des récriminations qui s’expriment parfois en ligne, comme au sein du groupe Facebook « TER Grand Est : le ras-le-bol des usagers », fort de quelque 2 300 abonnés.
« Quand même, je ne comprends pas pourquoi ils ne mettent pas davantage de wagons, glisse Arnaud, 41 ans, autre habitué de la ligne, abonné aux tarifs « Fluo » et cadre bancaire à Strasbourg. En tout cas, il est évident que leur offre n’est plus adaptée à la demande ». À qui songe-t-il, en disant « ils » et « leur » ? À la SNCF ? Au conseil régional du Grand Est ? Geste évasif de la main : aux deux à la fois, sans doute, mais qu’importe, ce qu’il aimerait surtout, « au moins une fois », plus par principe que par besoin physique, c’est de pouvoir s’asseoir dans « son » train du matin, de même que dans celui du retour, « soit le “18 h 21”, soit le “18 h 51”, selon le tram que j’arrive aussi à attraper ».
Pire en soirée
« À partir de 17 h 30, ajoute-t-il encore avec un sourire las, la gare de Strasbourg n’est de toute façon qu’une gigantesque cohue ». Au vol, une voyageuse reprend la phrase, pour l’approuver, et s’étonner du même mouvement : « C’est le soir, d’ailleurs, que vous auriez dû venir faire ce reportage. Pas un petit matin tranquille, sans touristes ni étudiants pour tout saturer partout ! » Promis, on saura s’en souvenir, d’ici le prochain marché de Noël de Strasbourg. (selon les DNA)