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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
18 janvier 2025

Pologne et Ukraine en voie de réconciliation sur la question des massacres en Volhynie

Quatre-vingts ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Pologne et l'Ukraine ont annoncé mercredi avoir trouvé un terrain d'entente afin de résoudre une querelle mémorielle qui empoisonne leurs relations depuis des générations autour des massacres de Volhynie. Entre 1942 et 1944, des dizaines de milliers de civils polonais ont été tués par des miliciens nationalistes ukrainiens dans l'ouest de l'Ukraine.

 

 

"Nous sommes en train de trouver un langage commun sur la question du crime de Volhynie." C'est par ces mots que le Premier ministre polonais Donald Tusk a salué, mercredi 15 janvier, des avancées concernant le règlement d'un différend vieux de plusieurs décennies avec l'Ukraine voisine. "Nous allons travailler à une solution systémique à ce problème", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse commune à Varsovie avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

 

Ce déplacement intervient quelques jours après l'autorisation annoncée par Kiev d'effectuer des premières exhumations des victimes des massacres de Volhynie – exhumations qui devraient débuter en avril. La Pologne réclame depuis des années un accès libre aux sites où seraient enterrés les civils tués lors de ces violences. Selon Varsovie, plus de 100 000 Polonais ont péri dans ces massacres, qualifiés en 2013 par le Parlement polonais de "nettoyage ethnique ayant les caractéristiques d'un génocide".

 

Des villages rayés de la carte

 

La Volhynie, une région située aujourd'hui dans le centre-ouest de l'Ukraine, a eu une histoire fluctuante. "Elle a été polonaise pendant plusieurs siècles, puis elle est devenue russe à la fin du XIXe siècle, avant de redevenir polonaise en 1921, puis soviétique après l'annexion par Staline en 1939", résume l'historien Éric Aunoble, chargé de cours à l'université de Genève et spécialiste de l'Ukraine. "Avec cette histoire-là, on comprend facilement que la population était extrêmement mélangée avec une grosse majorité d'Ukrainiens", ajoute-t-il.

 

En 1941, c'est au tour de l'Allemagne nazie d'envahir et d'occuper la région. Durant cette occupation, l'importante communauté juive est exterminée par les Allemands et leurs supplétifs ukrainiens. Dans le même temps, les milices nationalistes ukrainiennes se développent, dont l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA). "Ces milices qui sont devenues indépendantes des nazis commencent à massacrer la population polonaise pour faire de ce territoire un territoire purement ukrainien", décrit Éric Aunoble.

 

Les massacres débutent en 1942 avec des premières violences dans le canton de Luck (ou Loutsk, en ukrainien). "Des groupes encerclaient un village, rassemblaient la population et la massacraient avec les moyens dont ils disposaient", décrit l'historien. Jusqu'en 1944, des villages entiers de Volhynie et de Galicie orientale sont rayés de la carte. Des milliers d'Ukrainiens sont également tués en représailles.

 

Une montée des tensions

 

Après la guerre, la majorité des Ukrainiens vivant en Pologne sont expulsés en Union soviétique, tandis que la plupart des Polonais vivant en Ukraine sont déplacés vers leur pays d'origine. Pendant des décennies sous le régime communiste, les massacres de Volhynie demeurent un sujet tabou. Mais ces dernières années, ce différend a refait surface.

 

Alors qu'en 2003, les présidents polonais Aleksander Kwasniewski et ukrainien Leonid Koutchma avaient assisté à une cérémonie commune dans le village de Pavlivka pour honorer ensemble les victimes de ces massacres, les choses se sont de nouveau tendues en 2017. Les dirigeants ukrainiens ont alors interdit l'exhumation des restes des victimes polonaises tuées par l'UPA en Ukraine, en représailles à la démolition par les Polonais d'un monument illégal de l'UPA dans le village de Hruszowice. Un an plus tard, le président polonais Andrzej Duda a refusé de participer à une nouvelle cérémonie conjointe pour le 75e anniversaire des massacres avec son homologue ukrainien Petro Porochenko.

 

Depuis, les dirigeants des deux pays ont fait des efforts pour apaiser les tensions. En juillet 2023, les présidents Andrzej Duda et Volodymyr Zelensky ont commémoré ensemble le triste 80e anniversaire des massacres lors d'une messe dans la ville de Loutsk.

 

Mais régulièrement, des politiques jettent de nouveau de l'huile sur le feu. Candidat à la présidentielle polonaise, dont le premier tour aura lieu le 18 mai prochain, Karol Nawrocki a récemment déclaré qu'il "n'envisageait pas la participation de l'Ukraine à l'Union européenne ou à l'Otan tant que des questions civilisationnelles importantes pour la Pologne n'auront pas été résolues", faisant directement référence aux massacres de Volhynie. "Un pays qui n'est pas capable de rendre compte d'un crime très brutal commis contre 120 000 (sic) de ses voisins ne peut pas faire partie d'alliances internationales", a ajouté l’actuel président du controversé Institut polonais pour la mémoire nationale.

 

Karol Nawrocki est soutenu par le parti d'opposition conservateur Droit et justice (PiS), qui instrumentalise volontiers le thème de ces massacres pour mettre la pression sur le gouvernement Tusk et galvaniser ses électeurs. En tentant d'apaiser cette querelle mémorielle, le Premier ministre Donald Tusk veut éviter que ce sujet ne pollue trop la campagne présidentielle.

 

"Les Ukrainiens sont obligés de faire un geste"

 

Du côté ukrainien, la question est tout aussi sensible. Certains nationalistes ukrainiens de la Seconde Guerre mondiale, dont Stepan Bandera, sont aujourd'hui considérés comme des héros nationaux en raison de leur lutte pour l'indépendance de l'Ukraine. C'est d'ailleurs ce culte patriotique, qui ne fait cependant pas l’unanimité dans le pays, qui a servi de prétexte à la propagande russe pour justifier l'invasion en qualifiant les autorités de Kiev de "nazies", rappelant la collaboration de ceux qui allaient former l'UPA avec les Allemands avant 1943. Aborder directement cette question en Ukraine et reconnaître ces atrocités offrirait donc du grain à moudre aux Russes.

 

Quatre-vingts ans plus tard, le président Zelensky doit toutefois donner des gages à son voisin, l'un des plus fervents défenseurs de son pays. "Vu que cela redevient un sujet en Pologne dans le cadre de la campagne électorale et étant donné ce qu'il se passe en Hongrie, en Slovaquie et éventuellement en Roumanie, les Ukrainiens sont obligés de faire un geste", constate Éric Aunoble, en référence aux penchants prorusses des dirigeants de plusieurs pays d'Europe de l'Est. "La Pologne est la voie sacrée d'approvisionnement de l'Ukraine en matériel militaire."

 

Signe de cet apaisement, Donald Tusk a promis mercredi qu'il chercherait à accélérer les négociations d'adhésion de l'Ukraine à l'UE au cours des six mois de présidence polonaise du Conseil de l'UE, qui a débuté ce mois-ci. "Je ne permettrai pas que cette histoire difficile et tragique soit exploitée dans des jeux politiques en Pologne", a-t-il insisté. Volodymyr Zelensky n'a pas directement commenté le sujet, mais il a déclaré que les ministères de la Culture des deux pays avaient fait des progrès : "Nous sommes voisins et notre plus grande menace est la Russie, et c’est une menace aujourd’hui, ici, et demain. Nous devons tout faire pour renforcer notre coopération." (selon France 24)

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