Pendant que la France apprend que c'est grâce à l'intervention de quelques roitelets africains que le ministre alsacien Bockel se retrouve en disgrâce aux prisons, le quotidien "Badische Zeitung" fait paraitre un excellent reportage sur les prisons françaises (voir textes en allemand en annexe).
Plutôt la mort que les Baumettes !
Le journaliste Axel Veiel s'est intéressé avant tout à la prison des Baumettes, le centre pénitentiaire de Marseille qui fut construit en 1934 au sud de la ville et qui comporte 1373 places pour environ 2000 détenus, en majorité des hommes. Certaines cellules de 9m² comptent jusqu'à trois ou quatre détenus.
Les pires prisons à part la Moldavie !
Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe avait protesté dès 2005 contre les conditions de détention : "A l'exception de la Moldavie, il n'y a pas pires prisons en Europe !" De l'extérieur, tout semble pourtant correct. Mais aux barreaux des cellules sont accrochés les objets les plus divers. C'est les repères pour les prostituées qui, montées dans les étages des immeubles voisins, communiquent avec leur proxénète emprisonné. Fabienne T. l'épouse d'un détenu, raconte : "Une douzaine de fois, j'ai dû faire la queue dans la rue devant l'entrée de la prison." Cette mère de quatre enfants a passé des heures pour voir son époux, bibliothécaire, en détention provisoire pour avoir provoqué un accident grave en état d'ébriété au volant de sa voiture. "J'ai enfin dû donner mes papiers, attendre à nouveau à l'intérieur de la prison, passer pieds-nus le détecteur de métaux, j'ai pu aller aux toilettes où il n'y avait pas de papier et une bassine avec un peu d'eau pour remplacer la chasse d'eau."
Menacé de se faire crever un oeil !
L'époux de Fabienne ne s'est pas suicidé, mais elle rapporte ce qu'il a subi : "Dès le premier jour, un détenu l'a agressé avec une fourchette, menaçant de lui crever un oeil s'il ne lui donnait pas tout l'argent qu'il avait. Et pendant trois mois, il a dû partager la cellule avec cet individu. Au bout d'un an, mon mari est sorti de prison, alcoolique et dépressif." Un médecin de la prison reconnaît qu'il est confronté tous les jours à ces problèmes de violence. "A chaque étage règnent des caïds : celui qui ne se soumet pas à leurs volontés est battu, violenté. Pour l'argent on obtient tout : drogue, alcool, télévision, téléphone portable,... Le personnel intervient rarement. Lorsque tu es battu, tu cries, tu tapes contre les murs, et tu remarques que personne ne t'entend, personne ne te vient en aide. Et ce n'est que le premier choc !"
Prisonnier de ses actes de ministre de l'Intérieur
Pendant un temps, Nicolas Sarkozy s'est dit déterminé à ne plus surcharger les prisons. Les libérations anticipées et les bracelets électroniques devaient permettre d'y parvenir. Mais Nicolas Sarkozy est resté prisonnier de ses actes de ministre de l'Intérieur.Il s'était porté garant à l'excès de la sécurité intérieure, avec des phrases choc : "Je vous débarrasserai de cette racaille !". Il a encore durci sa position en créant la peine minimale pour récidivistes, en baissant de 16 à 15 ans l'âge d'incarcération des mineurs. Conséquence : 82.000 condamnés attendent d'aller en prison !
Quelques chiffres
La France compte 194 prisons conçues pour 51.000 places où s'entassent 62.000 détenus. En 2008, l'administration pénitentiaire a comptabilisé 115 suicides. L'Observatoire International du monde carcéral estime la probabilité à 150 en 2009. En 2008, 3000 places ont été construites, 5000 supplémentaires sont prévues en 2009. Les suicides dans les prisons françaises sont deux fois plus élevés qu'en Allemagne et en Grande-Bretagne, trois fois plus élevés qu'en Espagne ! Voilà pour quelle politique sans espoir Bockel a rejoint Sarkozy. Et ce n'est pas la loi à venir au vote de l'Assemblée Nationale cette semaine qui changera ces dures réalités.
Article de "Badische Zeitung" : BZ1109prisons