Orphelin de Trump, Bolsonaro vise un second mandat au Brésil
Pour ne pas déplaire au lobby des camionneurs qui lui est favorable, le président brésilien a limogé le patron de la compagnie Petrobras, faisant plonger la bourse de Sâo Paolo. Une crise qui préfigure une campagne électorale dure à dix-huit mois du scrutin présidentiel. Dans notre empressement à tourner la page de Donald Trump aux États-Unis, on en oublierait presque celui qui prenait plaisir à se voir décrire comme le « Trump des tropiques » : Jaïr Bolsonaro.
Comme Trump, le président brésilien gouverne à l’instinct, ce qui le conduit parfois à provoquer des catastrophes par inadvertance. La dernière concerne l’entreprise Petrobras, la compagnie pétrolière nationale, véritable État dans l’État dont les scandales de corruption avaient entraîné la chute de l’ancienne présidente Dilma Roussef.
Bolsonaro a limogé l’homme qui avait remis Petrobras en ordre de marche, Roberto Castello Branco, remplacé par un général à la retraite sans expérience du secteur pétrolier. Aussitôt, l’action à la bourse de Sâo Paolo a perdu 20% de sa valeur, entraînant le marché brésilien dans sa chute, signe d’une perte de confiance brutale. En partie contrôlée par l’État, Petrobras est non seulement la plus grande entreprise du Brésil, mais aussi d’Amérique latine.
La direction de Petrobras avait décidé d’augmenter le prix des carburants à la pompe, relayant ainsi la hausse du prix du baril sur le marché international. Cette mesure avait provoqué la colère de la corporation des camionneurs, qui menaçait de bloquer l’économie, comme elle l’a déjà fait par le passé. Les camionneurs sont acquis à Bolsonaro, et il n’était pas question de se les mettre à dos.
Éviter de peser sur le pouvoir d’achat des Brésiliens pourrait se justifier en période de difficultés dues à la pandémie ; mais le mois dernier, Jaïr Bolsonaro a supprimé les aides « spécial-Covid » à près de 70 millions de Brésiliens les plus démunis, en affirmant haut et fort que « les caisses sont vides ». Un mois plus tard, elles ne sont pas si vides qu’il ne peut pas satisfaire un lobby de ses partisans les plus bruyants. Sans doute n’avait-il pas anticipé la réaction en chaîne dans les milieux économiques.
Mais Bolsonaro a aussi des arrière-pensées électorales : il a déjà les yeux rivés sur sa réélection, dans dix-huit mois. Ce Président d’extrême droite a une cote de popularité au plus bas depuis son élection en 2018, à 31% de soutiens, selon un sondage de janvier, contre 40% ayant une mauvaise image de lui.
Pas de quoi le décourager, ni même renoncer à son déni de la gravité de la pandémie alors que le Brésil a le deuxième plus grand nombre de victimes du covid-19 après les États-Unis, avec près de 250.000 morts ; déni, aussi, du dérèglement climatique qu’illustre sa politique très critiquée en forêt amazonienne.
Son discours populiste, son éloge de l’ordre militaire, le soutien des puissantes églises évangéliques, et surtout l’absence à ce stade de rival politique qui s’impose, lui laissent espérer un second mandat.
Mais dans l’opposition, beaucoup redoutent qu’à l’image de son mentor Donald Trump, il conteste le résultat s’il devait lui être hostile et tente de rester au pouvoir par la force. Les institutions brésiliennes risquent d’être moins résistantes que celles des États-Unis.
La période jusqu’à l’élection sera donc tendue au Brésil, l’affaire Petrobras n’en est qu’un avant-goût.