Autriche, Pays-Bas... vers une nouvelle vague de colère ?
Alors que l'Europe fait face à une nouvelle vague de Covid-19, plusieurs pays ont mis en place de nouvelles restrictions à l'origine de manifestations.
La cinquième vague amènera-t-elle avec elle une vague de colère ? A l'approche de l'hiver, l'Europe est de nouveau l'épicentre de la pandémie de Covid-19. La circulation de plus en plus forte du virus oblige de nombreux pays à serrer la vis. En France, l'heure est à la "vigilance absolue", selon les mots du porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, alors que le pays a dépassé le seuil des 20 000 cas quotidiens. Mais la forte couverture vaccinale (75% de Français totalement vaccinés) donne l'espoir de pouvoir traverser la cinquième vague sans saturation dans les hôpitaux.
Ailleurs en Europe, il s'agit de réagir vite et fort dans plusieurs pays. Les Pays-Bas ont réintroduit la semaine dernière un confinement partiel. Le gouvernement néerlandais envisage aussi de restreindre l'accès aux lieux de restauration et de loisirs après une période de trois semaines aux seules personnes vaccinées ou guéries de la maladie. L'Autriche de son côté va confiner lundi l'ensemble de sa population et a opté pour la "vaccination obligatoire" à partir de février, une première dans l'Union européenne. Face à ces mesures radicales, la contestation monte. Et de l'autre côté de l'Atlantique, dans les Antilles françaises, des scènes de violence et de vandalisme se produisent aussi en Guadeloupe.
- Aux Pays-Bas, une manifestation dégénère
Les contaminations continuent de grimper sur le vieux Continent. Les Pays-Bas font notamment face à une flambée, avec plus de 21 000 nouvelles infections enregistrées vendredi. Le 12 novembre, des restrictions ont été annoncées, avec notamment le retour du confinement partiel. Les annonces ont déclenché des affrontements entre manifestants et policiers devant le ministère de la Justice à La Haye.
La tension est encore montée d'un cran dernièrement. Des tirs de la police néerlandaise ont fait plusieurs blessés vendredi dans la ville portuaire de Rotterdam. Les émeutiers qui protestaient contre les restrictions ont incendié une voiture de police, lancé des pierres et déclenché des feux d'artifice. La police anti-émeute a repoussé les manifestants en déployant notamment un canon à eau.
Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées et au moins sept personnes ont été blessées. "Des coups de semonce ont été tirés à plusieurs reprises. À un moment donné, la situation est devenue si dangereuse que les agents se sont sentis obligés de tirer sur des cibles", a indiqué la police. Le maire de Rotterdam Ahmed Aboutaleb a qualifié les incidents d'"orgie de violence".
Face à une situation "très grave", les autorités locales ont interdit les rassemblements dans la zone pour éviter de futurs débordements. Ce samedi, plusieurs milliers de personnes sont attendues à des manifestations prévues à Amsterdam et dans la ville méridionale de Breda, selon les médias locaux. Pour rappel, des émeutes avaient déjà éclaté en janvier dernier pour protester contre la mise en place d'un couvre-feu.
- Manifestation contre le confinement en Autriche
Ailleurs sur le Vieux Continent, des mesures radicales sont prises pour freiner la progression du virus. L'Autriche va ainsi confiner dès lundi l'ensemble de sa population et a décidé de rendre la "vaccination obligatoire" à partir de février, une première dans l'Union européenne. Il faut "regarder la réalité en face", a déclaré le chancelier conservateur Alexander Schallenberg lors d'une conférence de presse, après des discussions avec l'ensemble des gouverneurs de régions.
Lundi dernier, le pays avait opté pour un confinement des non-vaccinés. La mesure est donc étendue aux 8,9 millions d'habitants jusqu'au 13 décembre. Le chancelier a expliqué être conscient qu'on demandait "énormément" aux vaccinés, "parce que trop de gens n'ont pas fait preuve de solidarité". "Nous avons trop de forces politiques dans ce pays qui s'opposent avec véhémence" à la vaccination, a lancé le chancelier, dénonçant un "attentat contre notre système de santé".
Ce samedi, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés à Vienne pour protester contre ces mesures. La manifestation était organisée à l'appel du parti d'extrême droite FPÖ, même si son chef Herbert Kickl, testé positif au coronavirus, était absent. La foule, réunie au coeur de la capitale autrichienne à deux pas de la chancellerie, agitait des banderoles dénonçant "la corona-dictature" ou encore disant "non à la division de la société".
- La question de l'acceptabilité
Reste à savoir si des manifestations similaires pourraient se produire dans d'autres pays européens. En effet, de plus en plus optent pour des restrictions. Les Etats régionaux allemands de Bavière et de Saxe, faisant face à une forte reprise épidémique, ont par exemple annoncé vendredi l'annulation de tous les marchés de Noël (une institution dans le pays), en plus d'autres restrictions. Le Land de Saxe, dans l'est du pays, a entre autres interdit aux personnes non-vaccinées l'accès aux magasins non essentiels et aux salons de coiffure.
La situation est déjà explosive dans les Antilles françaises, en Guadeloupe. La mobilisation contre le passe sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants, lancée cette semaine par un collectif d'organisations syndicales et citoyennes, a conduit à des scènes de violence. Quatre immeubles de Pointe-à-Pitre, le chef-lieu, sont partis en fumée, selon les pompiers, et les manifestants ont affronté la police à coups de pierres ou de tirs de mortier. "Compte tenu des mouvements sociaux en cours dans le département et des actes de vandalisme", le préfet a annoncé vendredi l'instauration d'un couvre-feu immédiat entre 18 heures et 5 heures, et ce jusqu'à mardi.
En France métropolitaine, le gouvernement le répète, aucun confinement n'est prévu à l'heure actuelle, et la forte couverture vaccinale donne l'espoir de pouvoir traverser la vague épidémique sans saturation dans les hôpitaux. Mais ces questions sur les tensions et la contestation face aux restrictions ne sont pas nouvelles.
Début janvier, alors qu'un troisième confinement était de plus en plus évoqué face à la hausse des cas, le pouvoir s'inquiétait des appels de plus en plus nombreux à ne pas respecter les restrictions. "On est sur un terrain glissant. Le risque en refermant le pays, c'est la désobéissance civile de certains", estimait alors Christophe Castaner, patron des députés LREM, selon Le Parisien.
"Tout mouvement social accouche d'une génération dite 'radicale' et d'une avant-garde violente", soulignait à cette période auprès de L'Express Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers. "Les mouvements se déclenchent en fonction de deux critères : le manque de confiance et la lassitude - l'énervement, l'agacement, le pourrissement".
Selon lui, les scènes d'émeute que l'on observait déjà aux Pays-Bas était possibles en France, "pays des Grandes Jacqueries depuis 1358 et qui en fait régulièrement une tous les 10/20 ans peut parfaitement être en situation de rébellion ; mais cette rébellion n'est possible que du fait de l'incohérence de la communication", expliquait-il. (selon L'Express)