Depuis le début du conflit dans son pays, ses affaires ont décollé grâce à l'arrivée de nombreux ultra riches en Thaïlande. Cet ancien patron de boîte de nuit à Kiev doit cependant mettre ses sentiments personnels de côté car 80% de sa clientèle est russe.

"Ils ont fait fortune en Russie ou en Ukraine, ou ce sont des millionnaires des cryptomonnaies. Récemment, j'ai eu de gros événements à organiser pour des Russes qui venaient d'arriver, des soirées privées où les photos sont interdites. Hier, c'était une soirée d'anniversaire dans une villa à près de 10'000 euros la soirée. Beaucoup de super riches continuent d'arriver. Ils aiment les soirées à thèmes, genre Aladin, avec des danseuses, des magiciens... Ce qui marche le mieux, ce sont les soirées 'Gatsby le Magnifique', les femmes en robes de soirée, en talons hauts, les hommes en smoking, des bougies, du doré partout. Chaque année, j'organise une dizaine de soirées 'Gatsby'", explique Dennys Dudariev.

Investir de l'argent en Thaïlande

Mais s'ils savent apparemment s'amuser, ces millionnaires ne sont pas là que pour le plaisir. Fuyant les sanctions européennes, les saisies et un marché occidental désormais perçu comme instable, ils seraient de plus en plus nombreux à vouloir investir leur argent en Thaïlande et en Asie.

Pour Janna Sviritkova, à la tête d'une agence immobilière spécialisée dans les villas de luxe à Phuket, il existe aujourd'hui deux types d'investissements russes. "Certains Russes veulent maintenant rapatrier leur argent en Russie, parce qu'avec le départ de grandes compagnies comme Mc Donalds ou Coca Cola, il y a un espace pour monter des affaires avec un taux de croissance très rapide. Il y a déjà une base de clientèle. D'autres veulent investir dans l'immobilier en Asie pour avoir des réserves en bahts ou dans d'autres monnaies asiatiques, car on ne sait pas ce que vont donner les sanctions en Europe. Ces monnaies sont plus stables que le rouble."

Remplir le vide créé par le boycott européen

Les liquidités qui reviennent en Russie et des partenariats commerciaux avec les voisins asiatiques, c'était le plan de Poutine dès le départ, affirme Janna Sviritkova. Et selon Vitaly Kiselev, directeur de la Chambre de commerce russo-thaïe, la Thaïlande et d'autres pays de la zone comme la Malaisie ou la Birmanie sont au premier rang pour remplir le vide créé par le boycott européen. "Les pays européens ont banni certains produits russes et c'est l'occasion pour la Thaïlande et d'autres pays de prendre leur place. Dans les secteurs de l'énergie, du pétrole, de l'acier, on a aussi des demandes de fabricants russes qui ne peuvent plus obtenir leurs pièces détachées en Europe et qui commencent à demander à la Thaïlande de les fabriquer. Les pays qui conservent une position neutre bénéficient d'un avantage" explique-t-il.

Les hommes et femmes d'affaires russes seraient donc plus enclins à des partenariats avec la Chine ou l'Asie du Sud-Est. Avec le risque, prévient l'Organisation mondiale du commerce, de voir émerger un bloc commercial asiatique indépendant des puissances occidentales et insensible à d'éventuelles sanctions à l'avenir, ainsi que de nouveaux oligarques.(Carol Isoux/mh)