“La Suisse attire les travailleurs français du fait du franc fort, qui est à quasi-parité avec l’euro. Le pays connaît aussi une pénurie de main-d’œuvre car sa population ne suffit plus”, commente Michel Charrat, président du Groupement transfrontalier européen, qui ajoute que l’augmentation l’année dernière du nombre de permis G accordés à des frontaliers pourrait aussi être en partie due au remplacement de travailleurs suisses partis à la retraite.

Genève est le canton qui compte le plus grand nombre de travailleurs frontaliers : 104 357 au total, selon les données disponibles en décembre 2022. “Cela représente une hausse de 7,1 % (+7 334) par rapport à la même période de 2021. C’est aussi un triplement sur vingt ans, depuis l’entrée en vigueur du premier volet de l’accord sur la libre circulation des personnes, le 1er juin 2002.”

Le secteur d’activité genevois qui enregistre la plus forte progression de travailleurs frontaliers est l’hébergement et la restauration (+ 904 personnes). Quant à l’effectif des frontaliers engagés par les agences de travail temporaire, il “enregistre un boom” : + 1 608 personnes par rapport à 2021.

“Genève ne peut clairement pas se passer des frontaliers. On l’a vu pendant la pandémie de coronavirus : il a été indispensable de mettre en place toute une série d’exceptions aux mesures sanitaires prises par les États pour autoriser les frontaliers à franchir la frontière franco-suisse et permettre ainsi à Genève de continuer à fonctionner”, commente Fabienne Fisher, ministre cantonale de l’Économie et de l’Emploi.

“La région crée nettement plus d’emplois qu’il n’y a d’actifs résidents. Il faut bien trouver du personnel ailleurs pour les occuper. Et puis si des travailleurs français viennent travailler chez nous, ce n’est pas que pour les rémunérations plus élevées, mais aussi pour l’intérêt des emplois proposés et la qualité des rapports de travail dans les entreprises”, ajoute pour sa part Blaise Matthey, directeur général de la Fédération des entreprises romandes Genève (FER Genève).

Mais le phénomène ne profite pas à tout le monde, fait observer Fabrice Breithaupt dans son éditorial. “Pas à la majorité des actifs savoyards ou aindinois qui, travaillant en France voisine et payés en euros, peinent à vivre et à se loger dans des départements chers à cause de l‘‘effet suisse’. Pas aux employeurs français qui, ne pouvant régater contre l’attractivité des salaires proposés par leurs homologues helvètes, peinent à recruter. Pas au système de santé des départements français frontaliers qui, notamment à cause de soignants partis travailler ‘sur Suisse’, est dans une situation critique. Pas non plus aux communes françaises et genevoises de transit, qui étouffent sous le lourd trafic transfrontalier.”

Et le journaliste conclut en plaidant pour “un autre modèle de croissance, plus équilibré”, pour toute la région du Grand Genève. (selon "Courrier international")