On savait déjà que les chamanes des tribus indiennes d'Amazonie consommaient de l’ayahuesca – un breuvage à base de lianes aux effets hallucinogènes très puissants – il y a plusieurs milliers d’années. C’était beaucoup moins évident pour la cocaïne. Mais un petit sac trouvé dans une grotte en Bolivie montre que l’on en consommait probablement déjà dans les Andes il y a mille ans.

La découverte remonte en 2008, lorsque José Capriles, anthropologue à l’université d’État de Pennsylvanie, pénètre avec son équipe à l’intérieur de la grotte de la Cueva del Chileno dans les Andes boliviennes. À côté de plusieurs sépultures humaines, ils trouvent un sac en cuir fermé à l’aide d’une ficelle, dans lequel ils découvrent tout un attirail servant à s’administrer différentes drogues : des spatules en os pour écraser les graines de plantes psychotropes, des tablettes en bois incrustées de pierres précieuses pour servir de surface de broyage, un tube de tabac à priser en bois et une petite pochette décorée de museaux de renard.

Si les archéologues n’ont jamais eu de doutes sur la nature de l’usage de ces accessoires, ils ne les avaient pas encore scrupuleusement analysés. Dix ans plus tard, José Capriles les a ressortis pour effectuer des recherches plus poussées, aidé par Melanie Miller, bio-archéologue à l’université d’Otago à Dunedin, en Nouvelle-Zélande. Les résultats de l'étude indiquent qu’il s’agit en réalité du plus grand assemblage archéologique de substances psychoactives jamais trouvé en Amérique du Sud.

Datés d’il y a mille ans environ, les  artéfacts, qui auraient appartenu à un chamane, ont révélé des traces d’un moins cinq substances : la cocaïne, la benzoylecgonine, la bufoténine, l'harmine et la diméthyltryptamine (DMT). L’harmine et la DMT sont les principaux ingrédients de l'ayahuasca. Pour les chercheurs, leur présence sur les tablettes à broyer et les tubes de tabac à priser montre que l’ayahuasca n’était pas seulement consommé comme on le pensait sous forme de breuvage, il était aussi inhalé. La pluralité des drogues décelées serait la preuve que l’on effectuait déjà des mélanges de psychotropes : « Il est possible que le propriétaire de ce sac ait combiné plusieurs plantes différentes simultanément afin de démultiplier leurs effets », explique Melanie Miller dans un communiqué.

Non seulement cette découverte montre que les chamanes possédaient des connaissances botaniques avancées en matière de plantes hallucinogènes, mais aussi qu’ils se déplaçaient très loin pour s’en procurer. « Aucun des composés psychoactifs ne provient de plantes qui poussent dans cette région des Andes, indique la bio-archéologue. Cela montre soit l’existence de réseaux d'échange élaborés, soit des déplacements dans divers environnements pour les trouver. »

Bien que l’usage de plantes hallucinogènes depuis des milliers d’années soit documenté, les preuves archéologiques sont beaucoup plus rare. En 2016, des archéologues allemands de l’université libre de Berlin relataient qu’un peuple européen de cavaliers des steppes aurait diffusé le chanvre et son usage psychoactif dès 5000 ans avant J.-C. (selon le magazine GEO)