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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
3 mars 2022

Cuba 1962 - Ukraine 2022

L’histoire se répèterait-elle ? Kennedy avait mis la pression sur les Soviétiques au sujet de Cuba. Soixante ans plus tard, voilà Poutine décidé à engager un bras de fer avec les États-Unis à propos de l’Ukraine, « porte-avions avancé de l’OTAN ».

poutine60 ans après la crise de Cuba, Vladimir Poutine semble avoir décidé de commencer l’année 2022 par une épreuve de force majeure, digne des années les plus tendues de la Guerre froide. Le bras de fer portera une fois encore sur l’Ukraine, que Poutine considère comme le berceau originel, sacré même, de la Russie. Et aujourd’hui c’est « sa » « crise de Cuba à l’envers ». Pour Poutine et ceux qui l’entourent, l’Ukraine doit cesser d’être « le porte-avions avancé de l’OTAN » aux frontières de la Russie.

En 1962, Kennedy avait obtenu, à deux doigts de la guerre nucléaire, le retrait des missiles à moyenne portée soviétiques déployés à Cuba, qui menaçaient directement les États-Unis. Kroutchev avait cédé… En 2022, Poutine entend obtenir la même chose des Américains : soit les États-Unis s’engagent par écrit et définitivement, à respecter un statut de neutralité pour l’Ukraine, soit l’armée Russe interviendra, et s’en sera fini et de l’indépendance de l’Ukraine, et de ses velléités de rejoindre l’Union européenne ou l’OTAN.

En finir avec l'élargissement de l'OTAN

Depuis des semaines, nombreux sont les nuages qui annoncent la tempête dans le ciel européen. La crise des migrants en Biélorussie tout d’abord. Délibérée et télécommandée depuis Minsk et bien sûr Moscou, comme en témoignent les patrouilles de bombardiers nucléaire stratégiques russes le long de la frontière polonaise, et tout récemment l’annonce par le dictateur biélorusse Loukachenko qu’il est désormais prêt à accueillir des armes nucléaires russes sur le sol de son pays.

Le garrot du gaz russe ensuite, que le Kremlin resserre inexorablement sur le cou de ses clients européens : pas 1 m³ de gaz supplémentaire ne sera livré à l’Europe cet hiver, tant que le gazoduc North Stream II restera bloqué. Enfin et surtout le déploiement de 100 000 soldats russes à la frontière orientale de l’Ukraine, auxquels s’adjoindront 75 000 réservistes dans les semaines à venir, une armée pourvue de tout l’arsenal nécessaire de blindés et d’artillerie. Ce développement s’est fait aux yeux de tous, et notamment sous le regard des satellites militaires du Pentagone qui a complaisamment publié les images et les analyses de renseignements dans le New York Times…

Ces derniers jours, Vladimir Poutine, s’exprimant devant un parterre de diplomates russes a mis les points sur les i : la Russie a bien l’intention de « faire respecter ses lignes rouges », entendre son refus absolu d’accepter la présence de forces de l’OTAN à ses frontières. Pour le Président russe, le moment est venu d’en finir, une fois pour toutes, avec l’élargissement de l’OTAN.

L’Amérique, affaiblie par son retrait calamiteux d'Afghanistan et du Proche-Orient, obnubilée par la Chine, désormais impuissante à stopper la marche irrésistible de l’Iran vers la bombe atomique, n’est tout simplement pas en état de faire la guerre pour sauver l’Ukraine. Tandis que lui, Poutine, malgré les ravages du Covid en Russie, reste très largement soutenu par son peuple (60 % de popularité dans les sondages), c’est lui qui vient de remporter – sans peine – les élections législatives de septembre, lui aussi qui s’est débarrassé de toute opposition (presse, associations ou opposants politiques), c’est toujours lui qui dévoile de nouvelles armes, toujours plus sophistiquées, comme les missiles hypersoniques, lui qui consolide ses positions au Proche-Orient, et avec les mercenaires Wagner s’installe en Afrique noire. C’est toujours lui, enfin, qui organise des manœuvres aériennes conjointes avec l’armée de l’air chinoise dans le Pacifique.

Pour le Kremlin, le moment est venu donc de réagir enfin à la dérive intolérable de l’OTAN toujours plus vers l’Est. Il y a d’abord les trois Baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) qui faisaient il n’y a pas si longtemps partie de l’URSS, et qui désormais abritent des troupes de l’OTAN ; il y a des livraisons d’armes et ces conseillers militaires de l’OTAN en Ukraine. Et il y a enfin, et ceci a été trop peu noté en Occident, les déclarations du secrétaire général de l’OTAN le Norvégien Jens Stoltenberg, qui à la mi -novembre s’est dit prêt à déployer des armes nucléaires américaines de l’OTAN à l’Est de l’Europe, si par aventure la nouvelle coalition allemande devait décider de ne plus en accepter sur son sol… Poutine a donc décidé de mettre le marché sur la table : il exige des « garanties sérieuses de long terme pour la sécurité de la Russie dans la région » ; il demande que « les États-Unis arrêtent de se mêler des affaires intérieures russes ou des interventions parfaitement légitimes de la Russie avec ses alliés à l’extérieur ».

Le premier pas est d’organiser juridiquement un statut de neutralité pour l’Ukraine… C’est là une vieille histoire qui remonte au 27 mai 1997, peu de temps après le démantèlement de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie. Ce jour-là à Paris, fut signé l’Acte fondateur des relations OTAN- Russie, au terme duquel les deux parties « ne se considéraient plus comme des adversaires », s’engageant même à « éliminer les vestiges de l’époque de la confrontation ».

Un peu plus tôt, en décembre 1994, lorsque l’on commença à évoquer l’élargissement de l’OTAN, Boris Eltsine avait prévenu : « pas d’élargissement de l’OTAN sans la Russie elle-même ». Et pourtant, l’OTAN s’était élargie, d’abord à l’ex-RDA, puis aux anciens membres du Pacte de Varsovie, puis avait bombardé la Serbie amie et alliée de la Russie… Ce n’est qu’en raison de l’opposition française et allemande à Bucarest en avril 2008, que l’Alliance repoussa in extremis l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie voulue par Washington, au nom du droit de chaque État de « choisir les moyens d’assurer sa sécurité », principe lui aussi inscrit dans l’Acte fondateur de 1997, et que revendique aujourd’hui l’Ukraine pour s’opposer au veto russe.

"Il y a d’autres sanctions que les États-Unis n’ont pas osé prendre précédemment"

On a la suite : à l’été 2008 l’armée russe entrait en Georgie, et six ans plus tard elle envahissait la Crimée et s’installait au Donbass. Cette fois nous sommes au bout de la route. La semaine dernière, les deux ministres des Affaires étrangères américain et russe, Blinken et Lavrov se sont rencontrés longuement à Stockholm. L’américain a menacé de sanctions économiques « sans précédent » si la Russie devait s’engager dans une option militaire… et le Russe de répondre ironiquement : « Il y a d’autres sanctions que les États-Unis n’ont pas osées prendre précédemment ». Cette semaine Biden doit s’entretenir téléphoniquement avec Poutine pour tenter de déminer la situation. L’Americain prétend « avoir préparé un ensemble d’initiatives le plus complet et le plus pertinent qu’il soit pour rendre très, très difficile à Monsieur Poutine de faire ce que les gens craignent qu’il fasse ». Cette semaine également, Biden organisera en cvisio son fameux « sommet pour la démocratie ».

Pas sûr que tout cela empêche la guerre au début de l’année prochaine. La Russie aujourd’hui n’existe que par la puissance de ses armes, ses livraisons de gaz et sa capacité de nuisance contre un Occident en perte de vitesse et qui a le tort de ne pas la respecter. Et elle n’a pas l’intention de se résigner à un statut de pays de seconde zone dans la confrontation americano-chinoise qui dominera le XXIe siècle. Elle a donc besoin de montrer qu’elle existe, là où elle est puissante, et là où elle peut affaiblir encore l’Europe : soit par les migrants, soit par le gaz, soit par la menace d’une action armée. En face, l’Occident est divisé et affaibli. En dehors des Baltes et des Polonais, qui ira mourir pour l’Ukraine ? Un pays dont le régime corrompu et instable depuis le début de son indépendance, ne cherche même pas à réconcilier au sein d’une même nation, les Ukrainiens à l’ouest et la minorité russe à l’Est… (selon "Marianne")

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