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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
7 février 2020

La perliculture empoisonnée par les microplastiques

L'Ifremer étudie depuis plus d'un an l'impact de la pollution aux microplastiques sur les huîtres perlières des Tuamotu avec le projet MICROLAG. Les premiers résultats sont très inquiétants : les lagons perlicoles des Tuamotu sont très touchés par cette nouvelle forme de pollution qui semble avoir un impact inquiétant sur nos huîtres.

plastique

Après la crise du secteur de la perle dans la fin des années 90, de nombreuses fermes perlières ont été abandonnées, laissant derrière elles les vestiges de leur activité au fond des lagons. Ces structures abandonnées, en plus des bâtiments, sont quasi-exclusivement constituées de plastique. Sous l'effet de la chaleur, du soleil, des vagues et du vent, le plastique se dégrade, conduisant à la formation de fragments de plus petites tailles (moins de 5 mm) : on parle de micro- et nanoplastiques. Cette pollution est aggravée par la pollution plastique issue des activités courantes des populations locales (eaux usées émanant des machines à laver, consommation de matières plastiques diverses, etc.) qui finissent dans le lagon, mais également celle apportée par les courants depuis les grands pays pollueurs de la région (Amérique, Asie)...

Pour déterminer l'importance du phénomène et son impact éventuel sur l’huître perlière, l'Ifremer a lancé le projet MICROLAG (acronyme de MICROplatisques dans les LAGons) se déroulant sur une période de trois ans, dans lequel s'inscrit la thèse du doctorant Tony Gardon. Le jeune chercheur a présenté ses premiers résultats, après plus de deux ans de travail, lors des Conférences de la Recherche qui se sont déroulées jeudi dernier à l'Université. Il y a d'ailleurs remporté un prix de 200 000 francs financé par Europcar pour récompenser la qualité de ses recherches..

QUATRE LAGONS DES TUAMOTU ÉTUDIÉS

plastique1

Sur cette photo, les microplastiques trouvés dans un filtre de Tony Gardon lors d'un prélèvement de 150 m3 dans l'atoll de Ahe en 2018, une fois traité et filtré dans le laboratoire de l'Ifremer.

Tony Gardon a étudié quatre lagons perlicoles des Tuamotu. Des prélèvements d’eau ont été réalisés avec des filtres correspondant à la tailles des particules ingérées par l’huître perlière. Ces prélèvements d’eau ont été traités en dissociant les éléments organiques (petits poissons, copépodes, algues, etc.), la nourriture des huîtres, des particules plastiques.

Cette première étude a révélé des résultats très inquiétants : 5 à 8% de toutes les particules de cette taille seraient... du plastique (en détails, "les résultats en termes de concentrations sont de 2.5 à 4.5 particules plastiques par m3 dans les eaux de surface et près de 176 particules par m3 dans la colonne d’eau" explique Tony Gardon). C'est un niveau de pollution proche de celui constaté au large d'Israël, dans la mer méditerranée ! Et au moins 40% de ces plastiques sont les mêmes que ceux utilisés par l'industrie de la perliculture.

Pire, les huîtres perlières sont de grandes filtreuses d'eau. Elles absorbent l'eau, en retirent ce dont elles ont besoin pour se nourrir et recrachent le reste. Elles se retrouvent donc aujourd'hui à manger de plus en plus de plastiques.
DES GONADES TRANSFORMÉES EN GRUYÈRE PAR LES PLASTIQUE

plastique3

Pour tester l'effet de ces plastiques sur la santé de notre Pinctada margaritifera, Tony Gardon a mené une expérience avec des micro-billes de polystyrène (6 et 10 µm), très utilisées en laboratoire pour ces expériences. L'impact a été énorme sur les huîtres, surtout à hautes doses : baisse de l'assimilation des nutriments, dérèglements énergétiques chez l'animal, chute de la production de gamètes... "Les gonades deviennent comme un gruyère avec des petits trous, jusqu'à rendre l'huitre incapable de se reproduire" a présenté le doctorant devant un parterre de scientifiques aussi choqué que le public.

Ces premiers résultats ne sont bien sûr que préliminaires, et Tony Gardon a encore beaucoup de travail à effectuer dans les deux ans qui viennent pour bien cadrer le problème. Il est actuellement en train d‘exploiter les résultats d’une longue expérimentation de 5 mois visant à simuler le cycle de production d’une perle, mais cette fois en ayant exposé des huîtres à des conditions réelles c'est-à-dire avec des "microplastiques faits maison qui ressemblent beaucoup plus à ceux trouvés dans les lagons perlicoles". Ainsi, il pourra étudier l’impact des microplastiques sur la santé de l’huître perlière et la qualité de la perle produite dans des conditions réalistes pour appréhender cette menace émergente qui pèse sur la filière perlicole. Et il va enfin devoir s'attaquer à tout un autre pan du problème : les nanoplastiques, des particules de plastiques encore plus minuscules... Et probablement encore plus dangereuses. (selon "Tahiti infos")
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