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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
30 mars 2018

Des fonds publics syriens planqués au Luxembourg ?

Les affaires louches de Rifaat Al-Assad, l'oncle de Bachar

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80% des affaires traitées par les douanes françaises touchent des fonds d'origine syrienne. Et Rifaat al-Assad, l’oncle de Bachar, en est un des acteurs. Depuis 1984, il vit en Europe où il détient une gigantesque fortune, aujourd’hui dans le collimateur de la justice française. Il possède aussi plusieurs sociétés au Luxembourg.

Le "boucher de Hama"

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Officiellement, depuis 1984, Rifaat al-Assad est un opposant à son neveu Bachar al-Assad. Il a pourtant été par le passé un fer de lance de la répression du régime, comme en témoigne son implication dans le massacre de Hama en 1982. Longtemps protégé par Paris, il est à la tête d’une immense fortune, notamment immobilière. Il a créé neuf sociétés au Luxembourg où il a été un actionnaire de référence de SES. Mais désormais ce sont les revers de fortune qu’il accumule tandis qu’il semble lâché par ses anciens protecteurs français.

Il convient d’observer qu’une centralisation des sociétés s’est réalisée au Luxembourg», constate un rapport des douanes françaises, lancées dans la traque du patrimoine immobilier de Rifaat al-Assad. Le 4 février 2014, deux ONG, Sherpa et Transparency International France, ont porté plainte contre l’oncle de Bachar al-Assad pour, entre autres, recel de détournements de fonds publics et blanchiment. Les ONG inscrivent leur plainte dans le cadre des dossiers des «biens mal acquis», valant à plusieurs dirigeants politiques et chefs d’État étrangers d’être aujourd’hui poursuivis en France.

AdTech adLes deux associations soupçonnent Rifaat al-Assad et sa pléthorique famille (quatre épouses et au moins douze enfants) d’avoir constitué leur fortune à partir de fonds publics syriens détournés en 1984 : 200 millions de dollars qu’il aurait puisés dans la caisse présidentielle quand il a fui la Syrie après une tentative de coup d’État contre son frère Hafez.

D’autres sources évoquent aussi un pactole au moins équivalent amassé dans divers trafics avec le Liban quand il commandait les Brigades de défense de la révolution. Cette milice, forte de quelque 50 000 hommes, a longtemps été redoutée des Syriens, notamment pour sa responsabilité dans le massacre de Hama, qui a fait entre 10 000 et 40 000 morts en 1982. Son implication dans ces événements vaut à Rifaat d’être surnommé le «boucher de Hama» par les Syriens.

Depuis qu’il a quitté son pays avec sa famille et une suite conséquente, Rifaat se présente en opposant politique au régime syrien, à la tête d’un parti sans rôle significatif. Ce statut le met à l’abri des sanctions internationales visant les dirigeants syriens depuis que le pays a plongé dans la guerre civile en 2011. Néanmoins, des élus français, dont l’ancien maire du XVIe arrondissement parisien, qui a eu maille à partir avec lui, demandent ces dernières années que sa fortune doit être saisie.

Les épouses font ascenseurs à part

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Ce natif de Qardaha, âgé aujourd’hui de 79 ans, a vécu depuis son départ de Syrie entre Paris, Londres, Marbella et Genève. Dans les années 80, et jusqu’à récemment, les autorités françaises voyaient en lui un intermédiaire à même d’apaiser les relations entre Paris et Damas, voire un possible remplaçant de son frère Hafez lorsque celui-ci vivait encore. En France, il est décoré de la Légion d’honneur en 1986 tandis que les services de renseignement hexagonaux le couvent de leurs ailes protectrices.

 Rifaat al-Assad tire profit de ce verni de respectabilité pour prospérer dans les affaires. Au fil des décennies, il acquiert un luxueux parc immobilier en France : un ancien haras avec château à Bessancourt dans le Val-d’Oise, des hôtels particuliers et des appartements dans les arrondissements les plus chics de la capitale française, des ensembles de bureaux à Lyon.

 Il fut notamment propriétaire d’un hôtel particulier de 6 000 mètres carrés avenue Foch dont il avait fait sa résidence parisienne. Ses deux dernières épouses, Line Al Khayer et Raja Barakat, accédaient à leurs appartements personnels par des ascenseurs séparés, spécialement aménagés pour éviter qu’elles se crêpent le chignon, rapportait en 2013 un article de Charlie Hebdo versé à l’instruction.

 Les magistrats parisiens estiment la valeur du parc immobilier de Rifaat al-Assad en France à 90 millions d’euros et la cour d’appel de Paris en a définitivement validé la saisie le 27 mars. Entendu par les juges en octobre dernier, l’ancien vice-président syrien a assuré ne pas s’occuper de son patrimoine, disant ignorer jusqu’aux documents qu’il signe. Une affirmation contredite par des écoutes téléphoniques ordonnées par la justice attestant au contraire qu’il suit de près ses affaires.

Associé à des avocats luxembourgeois

Sur le papier, ses biens immobiliers sont en grande partie détenus par des sociétés de droit luxembourgeois. Dans le rapport des douanes françaises auquel Le Quotidien a eu accès, quatre sociétés anonymes luxembourgeoises sont citées : Al Jinane, ELM Investment, AYM et Sounoune.

Ces entreprises ont été immatriculées dans les années 90 et 2000 par des avocats luxembourgeois, agissant en qualité de mandataires et membres des conseils d’administration. Ils ont depuis pris leur distance avec un personnage devenu à leurs yeux sulfureux et dont on craint aussi de possibles représailles.

«Nous n’avions aucune raison de nous méfier de lui. Il tenait ouvertement boutique, ne cachait pas qui il était et il était protégé par des services français», dit sous le couvert de l’anonymat un avocat de la capitale qui l’a assisté dans ses affaires luxembourgeoises. «On s’est dit que nous pouvions travailler avec son argent et que de toute façon nous n’allions pas refaire le monde…», justifie le même, affirmant avoir appris bien plus tard son implication dans le massacre de Hama.

Conseils mouvants et adresses changeantes

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En réalité, Rifaat al-Assad, ses épouses et enfants avaient créé jusqu’à neuf sociétés au Grand-Duché. Deux, les plus anciennes, ont été liquidées. Les autres sont maintenant hébergées par un discret domiciliataire, à Luxembourg, dont les gérants goûtent fort peu les questions portant sur leurs relations avec l’ancien chef milicien.

Avant d’être enregistrées au Grand-Duché, certaines sociétés étaient établies au Liechtenstein. D’autres avaient des actionnaires panaméens et suisses. Toutes étaient aux mains de la famille de Rifaat al-Assad. C’est notamment le cas de Al Jinane SA, spécialisée dans les revêtements de sol, immatriculée à Luxembourg en décembre 2005, période à laquelle la famille rapatrie trois entreprises de Vaduz vers le Grand-Duché.

Les sociétés qu’ils possèdent au Luxembourg sont de deux types : les unes semblent avoir été montées dans le seul but d’héberger le patrimoine immobilier tandis que les autres ont été spécialement constituées pour acquérir des actions dans la Société européenne des satellites, la SES.

503 propriétés en Espagne

Les conseils d’administration de ces sociétés sont très mouvants, les membres de la famille s’échangeant en permanence leurs postes d’administrateurs. Dans les documents notariés rattachés à ces entreprises, Rifaat apparait comme vice-président de la république syrienne jusqu’en 1998. Tout ce petit monde change aussi fréquemment d’adresse entre Paris, Londres et le sud de l’Espagne.

C’est dans ce dernier pays que l’oncle du dictateur syrien fait la une des médias le mardi 4 avril dernier. Ce jour-là, la Guardia Civil perquisitionne l’un de ses complexes immobiliers du port de plaisance huppé de Puerto Banus, en Andalousie. L’enquête vise Rifaat al-Assad pour blanchiment de capitaux en bande organisée et fait suite à celle ouverte en France en 2014. La justice évalue le patrimoine immobilier de Rifaat en Espagne à 691 millions d’euros. Les enquêteurs y ont repéré 503 propriétés, dont un domaine s’étendant sur 3 300 hectares, La Maquina, dans la région de Marbella. L’ensemble de ces biens a été saisi par la justice ibérique, qui a par ailleurs bloqué 92 comptes en banque.

assad2Le 4 avril, la Guardia Civil a perquisitionné un complexe immobilier de Rifaat al-Assad à Puerto Banus, dans le sud de l’Espagne. Le lieu est surnommé « Little Damas ».

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Commentaires
P
Et maintenant, Macron veut envoyer nos militaires risquer leur vie dans cette Syrie de merde, pour faire plaisir à son ami Trump.
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P
Certainement le plus friqué des bouchers, ce qui explique qu'il n'est pas enfermé à La Haye et jugé par la cour pénale internationale (CPI).
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