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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
7 juillet 2017

Gustave Steinheil et Jacques-Christophe Dieterlen, deux patrons messidoriens

Aux antipodes des patrons du CAC40, Jacques Christophe Dieterlen et Gustave Steinheil ont laissé dans l'histoire de l'industrie textile le témoignage d'un engagement personnel reposant sur des fondements éthiques totalement étrangers aux capitaines d'industries tant adulés par les médias de notre époque.

ok_Usine_textile_Amickaelb_wiki_ccbysa30_620x310Jusqu’à la fin du 20ème siècle, dans la Haute Vallée de la Bruche à Rothau, Steinheil-Dieterlen, plus couramment appelée Steinheil, était une institution à tel point que ses changements de nom ne furent jamais vraiment intégrés par la population. Cette usine textile n’ayant rien à voir avec Marguerite Steinheil née Japy, la connaissance du président Félix Faure qui sortit par l’escalier de service, doit son existence à l’amitié de deux jeunes gens devenus accessoirement aussi beaux-frères : Gustave Steinheil (1818-1906) et Jacques-Christophe Dieterlen (1818-1875) qui reprirent en 1847 une petite fabrique de tissage et de filature de cotonnades afin de la développer.

Plusieurs articles et quelques ouvrages ont rapporté l’histoire de cette entreprise familiale surmontant plusieurs crises économiques et les déplacements de frontières propres à cette région qui, de 1871 à 1944 firent changer les populations de nationalité à quatre reprises. D’un point de vue purement économique Steinheil(-Dieterlen) fut longtemps synonyme de réussite malgré des contextes difficiles. Mais ce qui en fait l’originalité réside plus dans l’état d’esprit de ses fondateurs : Gustave Steinheil et Jacques Christophe Dieterlen étaient des patrons pour qui action signifiait travail et non dividendes. Tous deux inlassables travailleurs, ils avaient le souci d’améliorer la condition ouvrière. Bien sûr, ce ne furent pas des Jean-Baptiste André Godin dont je parlerai dans un prochain article, mais dans un autre genre, ils se basèrent sur des valeurs, en l’occurrence le protestantisme social, pour donner à leur « gouvernance » une éthique humaniste.

Gustave Steinheil fut longtemps maire de Rothau (1852-1874) et trop brièvement député des Vosges (1871-1872) sous l’étiquette « Républicain de Gauche ». Dès son accession à la tête de l’entreprise, il fit figurer dans ses statuts une obligation de consacrer 10% des bénéfices aux œuvres sociales. Une caisse de secours, alimentée par ces fonds, permettait aux sociétaires malades de bénéficier de soins et de médicaments gratuits ainsi que d’un secours financier chaque jour de maladie. Ce système prévoyait également d’assurer gratuité des soins et des médicaments ainsi que pension de retraite en cas d’accident du travail provoquant une infirmité. Une pension était également prévue pour les femmes devenues veuves suit à un accident du travail de leurs maris. Les jeunes gens effectuant leur service militaire touchaient une prime et les jeunes filles qui se mariaient une dote. Le décès de chaque sociétaire donnait droit à un secours versé à sa famille. Gustave Steinheil entreprit la construction de maisons pour le ouvriers, la création d’un petit hôpital dont il confia la direction aux sœurs diaconesses, la lutte contre l’alcoolisme en distribuant notamment du café chaud et sucré pendant les heures de travail, la lutte contre l’illettrisme en organisant des cours pour adultes avec pour complément une bibliothèque et une société de musique. Il alla même jusqu’à créer un petit orphelinat.

Gustave Steinheil et Jacques Christophe Dieterlen, de par leur attachement au protestantisme, s’accordèrent sans difficultés sur la suppression du travail du dimanche. Si le premier faisait figure de capitaine d’industrie, le second était très proche des salariés. S’habillant modestement il se mêlait à la vie des ouvriers et, lui même père de deux filles et dix garçons nés entre 1846 et 1863 de son mariage avec Julie Émilie Steinheil (1822-1898) en 1842, organisa la création d’une crèche pour les enfants des salariés. Il est rapporté qu’il n’hésitait pas à rendre visite aux ouvriers malades résidant tant à Rothau que dans les villages environnants. Soucieux d’élever les travailleurs à une véritable dignité, il se refusait aussi à faire grand cas de sa personne. La Guerre de 1870 et ses conséquences imposant à ce fils d’immigré wurtembourgeois l’exil au delà de la Ligne Bleue des Vosges, il mourut à Paris usé par le travail et taraudé par le mal du pays. Gustave Steinheil, alors député des Vosges, resta à Rothau quand les deux cantons de la Haute Vallée de la Bruche furent rattachés à l’Alsace et cédés à l’Allemagne lors du Traité de Francfort en 1871. Il y décéda 12 ans avant la réintégration de ces deux cantons à la France, mais cette fois-ci au département du Bas-Rhin.

De l’histoire de ces deux amis qu’un mariage rendit beaux-frères (1842) et qu’une usine fit associés (1847), nous pouvons retenir l’esprit aux antipodes des patrons de Germinal mais bien plus proche de Messidor car si leur entreprise avait pour but la rentabilité, ils ne concevaient pas pour autant son fonctionnement sans redistribution d’une part non néglieable des richesses à ceux qui en sont les forces créatrices. Un exemple à suivre aussi en 2017… (selon "Eurojournalist").

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Commentaires
C
Une ressemblance avec la famille AMAR ces gens du cirque en période creuse habitaient dans le faubourg de "vienne" à Blois , des maisons accolées construites avec les deniers des patrons tout un quartier du faubourg appartenait aux gens du cirque
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S
Merci pour ce rappel.
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