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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
3 août 2015

Netzpolitik.org : la liberté de presse en question

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En Allemagne, une affaire d'atteinte à la liberté de presse remontant à près de deux ans commence enfin à faire surface. netzpolitik.org est un blog créé en 2002 par le journaliste Markus Beckedahl (à droite sur la photo). Celui-ci et son collaborateur Andreas Meister (à gauche) avaient été mis un certain temps en garde à vue très prolongée (103 jours). Relâchés sans aucune inculpation, ils pensaient l'affaire terminée. Mais, le procureur général Harald Range vient de leur notifier leur chef d'accusation : haute trahison. En conférence de presse, il a qualifié le blog Netzpolitik.org de "nid de frelons". 

Qu'est-ce que Netzpolitik.org ?

Depuis 13 ans, ce blog est devenu une plate-forme importante qui traite des sujets concernant les libertés et dénonce régulièrement la surveillance à l'ère numérique et le fichage systématique d'individus. Netzpolitik soutient aussi de nombreuses ONG dans le monde entier. Ses blogueurs sont parmi les rares journalistes qui suivent les enquêtes de la NSA.

Que reproche-t-on au blog ?

Selon le procureur, le blog aurait publié des documents classés "rapports confidentiels des services secrets". En fait il s'agit de notes adressées à la commission du budget du Bundestag pour demander la planification de nouvelles ressources humaines par la création de 75 postes à temps plein dans la lutte contre le terrorisme. Postes permettant de surveiller les internautes aux profils radicaux et extrémistes sur leurs réseaux sociaux. La note évoquait aussi des surveillances des télécommunications, des courriers électroniques et autres, et la levée du secret postal. Une note que n'importe quel député, membre de la commission du budget, aurait pu divulguer. Un motif ridicule lorsqu'on sait qu'en France c'est le ministre de l'Intérieur qui a annoncé lui-même les moyens supplémentaires mis à disposition des services de renseignement.

L'accusation ne tient pas !

Pourtant, le procureur général Harald Range vient tout simplement de confirmer publiquement l'inculpation des deux journalistes et la poursuite de l'enquête en cours. Un tel processus n'avait pas lieu en Allemagne, ni d'ailleurs dans l'Union Européenne, depuis plus de trente ans. Selon l'article 94 du code criminel allemand, l'infraction ne serait pas constituée. D'ailleurs, toujours d'après ce code, l'auteur à poursuivre devrait être l'auteur de la divulgation (un agent des services allemands ou d'une puissance  étrangère, et non pas les journalistes). D'autre part, il faudrait prouver que la divulgation "favorise une puissance extérieure" ou "représente un risque pour la sécurité de l'Etat". Ce qui est loin d'être le cas.

Il est aussi remarquable que le même procureur général ait fait preuve d'une passivité sans égale lors de la récente affaire de la NSA (écoutes du téléphone cellulaire d'Angela Merkel par les services secrets américains). Le procureur prétend qu'il n'a pas de preuves, alors que de nombreux documents circulent sur le net. Et même dans la très ancienne "affaire du Spiegel", au  temps de la guerre froide en 1962, qui dévoilait le système de défense de l'Allemagne (installation de missiles dirigés vers l'URSS sur le sol allemand), autrement plus nocive pour le monde occidental, aucun journaliste n'a été condamné. (Seul le directeur a passé quelques temps en garde à vue). Et, "der Spiegel" existe toujours.

L'affaire devient politique

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L'Association des Journalistes Allemands et Reporters Sans Frontières exigent la mise hors de cause immédiate des deux journalistes. Elles en ont mis du temps, mais il vaut mieux tard que jamais. d'ailleurs, jusqu'à ces derniers jours, les médias avaient passé sous silence toute cette affaire. Après tout, que représentent quelques blogueurs ? Quant au monde politique, il est divisé. Le président CDU de la commission numérique du Bundestag Jens Koeppen a même déclaré : "Si un document est classé confidentiel, cela vaut pout tout le monde, y compris les journalistes !" Quand au ministre fédéral de la Justice SPD Heiko Maass il a fait savoir au procureur : "Je doute que les journalistes aient agi dans l'intention de porter tort à l'Allemagne ou de vouloir informer une puissance étrangère." Quant aux partis de gauche, SPD, die Grüne et die Linke, ils ont décidé de participer aux manifestations de soutien aux deux journalistes, qui ont eu lieu ce samedi 1er août et au nom de la liberté de la presse. Près de 3000 manifestants ont marché du Hauptbahnhof jusqu'au ministère de la justice. A l'heure où ce post paraît, il est  de plus en plus question au ministère de la Justice de  faire bénéficier le procureur général Harald Range (67 ans) d'une mise à la retraite d'office. Merkel cherche à désamorcer la bombe ? Elle ne le sera qu'avec l'abandon définitive des poursuites.

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Commentaires
J
Dernier rebondissement : le procureur Harald Range est démis de ses fonctions !
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J
Des nouvelles récentes de cette affaire :<br /> <br /> <br /> <br /> Le procureur refuse toute mise à la retraite et dénonce l'ingérence des politiques dans les affaires de la justice.
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K
Grünen-, Linke, FDP et SPD, ces politiciens appellent maintenant Harald Range à la démission."<br /> <br /> Donc, cela finira bien. Un sacrifice de pion. Les pires traîtres demeurent en fonction.
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J
De plus en plus de vagues : il s'avère que plusieurs ministres allemands ont menti au cours de leur audition dans le cadre de cette affaire.
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W
Et toujours rien de cette affaire dans les DNA !
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