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Différences : le blog de Jean-Louis BOEHLER
17 avril 2009

Précarité et rébellion en France : un point de vue

Le quotidien italien de gauche "Il manifesto" a fait paraître une intéressante interview de la sociologue française Isabelle Sommier, professeur à la Sorbonne, concernant la situation sociale qu'elle juge "explosive" en France, mais aussi dans toute l'Europe. Extraits.

arton59Il manifesto : Depuis quelque temps, à Londres, à Berlin, à Rome, à Athènes, à Paris, les jeunes manifestent régulièrement dans la rue. Quelle est votre analyse ?

Isabelle Sommier : Toutes ces manifestations sont le reflet d'une même crise, que ce soit la revendication des 1000 € en Grèce, ou de la suppression du CPE en 2005 en France. Une étude européenne vient de prouver que le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est de 23 %. Toute une génération a le sentiment qu'elle est la victime de nombreuses promesses non tenues par les politiques et n'a pas d'espoir pour l'avenir. Mais, c'est en France et en Italie que ladésillusion est la plus forte.

Il manifesto : Est-ce la raison de la radicalisation des mouvements sociaux ?

Isabelle Sommier : Naturellement, mais la forme n'est pas la même dans tous les pays. En Grèce et en Italie, la rébellion a été attisée par la corruption, un peu moins en France. Mais les origines sont les mêmes : l'absence de projets pour cette génération. Le manque d'un travail durable, la ségrégation, la précarité affaiblissent le tissu social. Cependant, il n'y a pas d'unité entre les différents mouvement : la mobilisation des Universités et celle des banlieues restent très différentes l'une de l'autre.

Il manifesto : Comment réagissent les partis politiques et les syndicats ?

h_9_ill_748474_cpeIsabelle Sommier : Leurs soucis sont très loin des préoccupations des jeunes, et ce n'est pas seulement par manque de dynamisme des militants. Le PS français a glissé vers un parti des classes moyennes. La crise a aussi touché ces classes, mais les enjeux de pouvoir sont tels dans leurs rangs qu'ils ne s'en rendent pas compte. Pour illustrer ces propos, je vous informe que c'est le MEDEF, syndicat patronal, qui m'a invité à un séminaire sur la précarité. Pour la gauche classique, le combat contre les précarités est resté juste une parole (-). La CGT a participé aux luttes contre le CPE, contre la réforme des universités,... Mais dans les années 90 et jusqu'en 2005, elle considérait "tous les autres" comme non représentatifs. Elle a changé ses vues après 2005 et le conflit des travailleurs saisonniers. Elle a alors organisé des comités de chômeurs, de sans-papiers, car elle a dû réagir à la pression de la concurrence des autres centrales syndicales.

Il manifesto : Comment expliquer la montée du NPA de Olivier Besancenot, qu'on crédite de 8 à 10 % des intentions de vote aux élections européennes de juin ?

Isabelle Sommier : Tout d'abord, l'histoire de l'extrême-gauche en Italie et en France n'est pas la même. Il est important de le savoir. L'extrême-gauche française a une culture militante forte et une implantation syndicale importante, d'origine libertaire et même maoïste trouvée dans les évènements de mai 68. Cette culture en a fait les premiers à s'intéresser aux SDF, aux "sans-papiers", et à tous ceux qui vivent dans la précarité. Elle a ainsi marqué sa différence avec les partis officiels PS ou PC. Besancenot est un symbole pour les jeunes : il ne vient pas des hautes écoles, mais c'est un simple facteur. Une grande partie de ses sympathies lui viennent des trentenaires.

NB : Isabelle SOMMIER est directrice du CRPS depuis octobre 2002 et Professeur de sociologie au Département de science politique. Son doctorat, obtenu en décembre 1993, portait sur "La forclusion de la violence politique : ouvriers/intellectuels en France et en Italie depuis 1968" .

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Commentaires
G
L'extrême-gauche, et notamment la LCR, ont servi de centre de formation à des socialistes (Jospin, Weber, etc...).<br /> Mais ce ne sont pas forcément des références !
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G
Bravo pour ce message sur ton blog, Jean-Louis. L'interviue est très réaliste !
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